La première phase du combat à cheval est l’affrontement à la lance. Chaque traité démarre le combat en discutant de cette arme. Les raisons sont multiples : l’arme a une forte valeur symbolique, car c’est celle de la charge à cheval qui est l’apanage de la chevalerie.
Il existe aussi une raison bien plus simple : des trois armes, c’est la seule qui ne peut pas être rangée dans un fourreau. Il est donc obligatoire de l’avoir en main au début du combat. Une caractéristique remarquable du rossfechten est que les rencontres à la lance se font côté droit contre côté droit, à la différence des joutes. Cela s’explique par l’absence de targe ou bouclier, ce qui ne laisse que la lance, qui est tenue avec la main droite, comme moyen de défense. La cible principale est la tête de l’adversaire. Même si elle le rend virtuellement invulnérable, l’armure n’annule pas le formidable impact de la lance, qui ébranlera très certainement le cavalier. Les résultats d’une rencontre réussie sont divers : la lance peut se briser, l’un des adversaires (ou les deux) peut perdre son arme ou être désarçonné et il se peut les cavaliers restent indemnes malgré le choc.
Le cas le plus courant de confrontation avec la lance est celui de deux cavaliers se chargeant de face, avec chacun une lance posée dans l’arrêt de la cuirasse, ce qu’on appelle aussi la lance couchée. La puissance délivrée par une course à la lance est formidable. Grâce au crochet présent sur la cuirasse, l’arrêt de cuirasse, ainsi qu’à une selle très enveloppante, le cheval, le cavalier et la lance deviennent solidaires et impactent la cible d’un seul bloc. C’est ce qui donne sa force à la charge à la lance. Cependant l’armure du cavalier le rend quasiment invulnérable, même contre la lance. S’il est possible d’être très précis avec la lance couchée il est impensable de viser les ouvertures, ce que d’ailleurs aucun auteur ne propose de faire avec cette arme. La cible principale lors d’une course avec la lance est la tête, mais le corps est aussi visé occasionnellement.
Les gardes
Pour le travail à la lance, les traités les plus anciens présentent un système de gardes. Elles ne sont pas nommées mais ce sont des postures récurrentes dans tous les manuscrits. Ces gardes sont le point de départ de la plupart des actions présentent dans les textes, même lorsqu’il n’en est pas fait mention explicitement.
La première garde consiste à placer sa lance sous l’aisselle droite dans l’arrêt de cuirasse, et de maintenir la pointe vers l’adversaire. C’est la position dans laquelle on rencontre l’adversaire, qui le menace directement avec la pointe et que l’on retrouve dans tous les traités.

La seconde garde est similaire à la première, seulement la pointe de la lance est dirigée vers le sol et se trouve à gauche de l’encolure du cheval. Dans que cette position est on peut faire « comme si la lance était trop lourde », pour inciter l’adversaire à attaquer et le piéger avec une autre technique.

La troisième garde est assez différente des deux premières. Dans celle-ci la lance n’est plus dans l’arrêt mais tenue avec les deux mains en travers de la selle, dans une position plus ou moins horizontale.

Attaquer avec la lance
Peu de textes présentent la façon d’attaquer avec la lance. La majorité des illustrations montrent l’attaquant chevauchant vers son adversaire dans la première garde. Certains textes indiquent que la lance est d’abord tenue à la verticale, avant d’être jetée dans l’arrêt de cuirasse pour charger l’adversaire.

Se défendre avec la lance
Les techniques de rencontre à la lance sont toujours présentées dans l’Après, c’est-à-dire une situation où l’on subit l’attaque de l’adversaire. Cela s’explique peut-être parce que percuter l’adversaire à la lance est d’une grande trivialité technique, au regard des manœuvres défensives qui seront présentées ci-après.
Les techniques suivantes se réalisent face à un adversaire qui cherche à viser la tête. Il présente ainsi sa lance légèrement vers le haut ce qui va permettre d’interagir plus facilement avec le faible de son arme.
Face à un adversaire qui chevauche en menaçant la tête, la quasi-totalité des auteurs enseignent la même technique : le changement à travers ou durchwechseln. Elle se fait depuis la première garde, et consiste à tourner autour de la lance adversaire en passant par-dessous, pour la pousser sur l’extérieur et ainsi «toucher sans être touché». Cette technique semble être une des plus importantes à la lance : c’est en effet la seule action qui se réalise depuis la première garde, qui est la position principale de rencontre avec l’adversaire.

La rencontre avec l’adversaire peut aussi se faire depuis la seconde garde. En présentant sa lance basse, l’adversaire a le champ libre pour viser la tête, mais il devient alors possible de battre sa lance vers le haut en remontant depuis la garde, et ainsi de le percuter en prenant la ligne. Pour cette technique et la précédente, les glossateurs proposent d’utiliser la main gauche pour maintenir la lance vers sa cible.

Plusieurs situations peuvent amener à faire face à un cavalier dans la troisième garde. Il est tout à fait possible d’engager volontairement l’adversaire avec la lance en travers de la selle et de venir écarter la lance adverse avec le fer ou le tampon, selon que la garde est prise à gauche ou à droite.

Cependant il arrive d’être pris au dépourvu par l’adversaire : soit il n’y a pas le temps de jeter sa lance dans l’arrêt de cuirasse, soit la lance adverse est trop basse car il vise la poitrine et il n’est ainsi pas possible de faire le durchwechseln. Il existe cependant des techniques pour répondre à cette problématique. Suite à une action prématurée de l’adversaire il est dit que l’on ne peut pas amener la lance dans l’arrêt. Ces pièces nous informent qu’avant d’être couchée, la lance est tenue à la verticale. C’est peut-être la raison pour laquelle il faut envoyer la lance bien sur la gauche et vers le sol, pour ensuite venir écarter la pointe de gauche à droite, avec le tampon. On rapprocher cette prise de la lance avec de la troisième garde, dont on a parlé avant. A partir de cet écarté il est possible de venir percuter la tête de l’adversaire avec le fer ou le tampon, voire de venir agir avec la main droite pour le désarmer. Depuis cette troisième garde, il est aussi possible d’écarter de la droite vers la gauche avec le tampon. Cette situation où l’arrière de la lance se trouve en avant est l’occasion d’effectuer plusieurs contres.

Enfin, il existe un dernier recourt pour se protéger d’une lance venant à soi : venir la battre avec la main. Dans l’idéal cela se fait avec la main gauche vers l’extérieur, même s’il faut ainsi à lâcher les rênes. Mais certaines situations obligent à parer avec la main droite, obligeant ainsi à abandonner la lance. C’est une défense d’urgence, à utiliser avec sagesse car elle est à double tranchant.

Défendre le cheval
Le cheval n’est pas une cible pour les textes de la tradition liechtenauerienne. Certes il peut être malmené et soumis par des techniques de lutte, mais il n’est jamais la cible directe d’attaques avec une arme. Dans ses Collectanea, Pietro Monte précise que dans les rencontres « pour le jeu » la décision de s’attaquer au cheval est prise en amont par les participants : « Si les chevaux ont été sécurisés, c’est-à-dire, de sorte qu’aucun ne blesse ou ne tue le cheval de l’autre, et que le cheval de l’adversaire est trop enclin à se pencher sur nous, il faut lui donner un coup sur la tête avec le pommeau de l’estoc, puisque de cette façon on ne peut pas dire que le cheval a été blessé ». Son absence totale des premiers textes signifierait donc l’existence de conventions quant à la préservation du cheval et que le rossfechten est une pratique en soi et pas nécessairement un entrainement à la guerre. Les rares auteurs nous parlant du champ de bataille indiquent ainsi que la première chose à faire dans une rencontre avec la lance est de viser le cheval car : « ne pouvant prendre l’homme tout armé, il fault cercher le cheval ».
Le cas où l’adversaire menace le cheval avec sa lance, en présentant sa lance à droite, dirigée vers la monture, est néanmoins traité. La manière de se défendre de l’arme adversaire est toujours la même : dans une rencontre se faisant droite à droite, il faut écarter la lance à l’intérieur, entre la hampe et le cheval. Cela se fait depuis la seconde garde, ou dans une variation de celle-ci. Si la pointe de la lance est bien à gauche de l’encolure,certaines pièces la montrent tenue à deux mains, avec le tampon vers le haut, pour avoir le moins d’angle possible.
Il existe également une autre variante, où la lance est tenue hors de l’arrêt de cuirasse à droite de l’encolure, mais avec la pointe toujours sur la gauche du cheval. Cette manœuvre pose quelques problèmes de géométrie : dans une rencontre sur le côté droit, si l’on considère que les chevaux ne sont pas face à face, mais au maximum épaule contre épaule, il devient quasiment impossible de protéger sa monture avec cette saisie de lance. Une solution consisterait à se décaler sur la droite pour pouvoir positionner sa lance sous celle de l’adversaire, mais il y a alors un risque de collision.
Après avoir écarté la lance, des manœuvres offensives sont alors possibles. En fonction de la tenue de la lance on peut au choix désarmer l’adversaire, le faire tomber de son cheval ou jeter sa lance sur celle de l’adversaire afin de continuer le combat avec l’épée.

La poursuite
Deux adversaires qui se rencontrent avec la lance ne se touchent pas nécessairement. Viser avec la lance couchée et à vive allure requiert une grande habileté et il est tout à fait possible de se manquer. Les cavaliers se trouvent alors dos à dos et devront à nouveau se faire face pour entamer une nouvelle course. Il est alors indéniable que celui qui se retournera le premier aura un grand avantage sur son adversaire : c’est la poursuite.
Etre pourchassé est une situation critique, il faut donc se mettre en sécurité rapidement en revenant face à l’adversaire. C’est ce que suggèrent les textes qui parlent de cette situation qui amène toujours à se retourner. La première chose à faire reste cependant de tenir l’adversaire à distance. Pour cela la lance est amenée sur l’épaule ou dans le dos, en pointe vers le visage ou vers le cheval adverse. En fonction de l’endroit où se situe la pointe de l’adversaire on se tournera sur la gauche ou sur la droite, en mettant la lance sur l’épaule correspondante, tout en la maintenant contre l’adversaire. Cela permet de revenir face à lui et remettre la lance dans l’arrêt de cuirasse.

Il est également possible de laisser la pointe de la lance entre les pieds du cheval du poursuivant afin de le faire chuter. Cette manœuvre est plus délicate à réaliser car la portée de la lance s’en retrouve réduite : cela nécessite donc de parer la pointe de l’opposant de dos avec sa lance.

Conclusion
En règle générale tant que l’on a sa lance, il faut essayer de la garder le plus longtemps possible sauf si cela conduit à faire perdre la sienne à l’adversaire. Outre les techniques qui permettent de dégager la ligne pour percuter l’adversaire, les désarmements où l’on conserve sa lance occupent une place certaine dans le corpus. Cela semble indiquer qu’un cavalier avec sa lance est avantagé par rapport à un autre avec une arme plus courte. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’on trouve des techniques pour se défendre d’une lance avec une épée, mais pas l’inverse. Est-ce parce que les choix tactiques et techniques sont alors triviaux pour le lancier ? Toujours est-il que face à une autre arme, rien n’est précisé mis à part le fait de viser la tête. Le combat à la lance s’arrête lorsque les deux adversaires ont brisé ou perdu la leur.