L’épée seule de Joachim Meyer, Partie 4 : Gardes, coups et estocs

Les gardes sont essentielles dans l’escrime : ce sont les points de départ et d’arrivée de chaque action. Les attaques, comme les défenses partent d’une garde pour finir dans une autre. Elles balisent ainsi la gestuelle, permettant de découper des phrases d’arme complexes en éléments plus simples.

Les gardes

Comme toutes les armes, l’épée utilise un système de gardes. Contrairement à l’épée longue ou au dussack, leur nombre est réduit et leur nom devient fonctionnel, plus qu’imagé, ce qui témoigne à la fois de la nouveauté de la discipline et d’une volonté de la rationaliser. Les gardes sont de trois sortes : haute, basse et centrale. Elles peuvent se prendre au milieu, sur la droite ou sur la gauche. Chacune d’elle à une version pour l’estoc et pour la frappe.

La garde haute

Il y a deux gardes hautes : celle pour l’estoc et celle pour la frappe. La garde haute se fait avec le bras vers le haut, un peu vers l’avant et le côté, ainsi qu’avec le pied droit devant.

Lorsque que la pointe est dirigée vers l’avant, il s’agit de la version de la garde pour l’estoc, qui s’appelle aussi garde du bœuf ou suspension haute. Contrairement au dussack, la garde du boeuf avec l’épée se fait avec le bras tendu et vers l’avant. Elle se fait des deux côté, à droite comme à gauche. C’est depuis cette garde que l’on lance les estocs supérieurs, ou estocs plongeants.

Si la pointe est en arrière, il s’agit de la garde haute pour la frappe. Elle est similaire à la garde du veilleur que l’on trouve dans la section sur le dussack. On peut prendre cette garde à gauche, à droite et au centre. La plupart des coups de dessus sont envoyés depuis cette posture.

La garde basse

De la même manière il y a deux gardes basses, l’une pour la frappe, l’autre pour l’estoc. Avec la garde basse, la jambe droite est toujours devant et la main est au niveau de la cuisse.

Lorsque la pointe est vers le sol, il s’agit de la garde pour la frappe. On l’appelle le changement si elle est prise à gauche, et garde de côté si elle est prise à droite. Ces deux gardes sont respectivement la fin des deux coups diagonaux envoyés depuis la garde haute pour la frappe à droite et à gauche. Cette garde basse peut se faire à gauche, à droite et au centre.

La garde basse pour l’estoc s’appelle la charrue ou suspension basse. Elle se prend avec la main au niveau de la cuisse, la jambe droite devant, la pointe dirigée vers l’adversaire et le pouce sur le plat de la lame face à soi. Comme l’autre version de la garde basse, on peut la prendre à gauche, à droite ou au centre. Depuis cette posture on envoie la plupart des estocs inférieurs.

La porte de fer

La porte de fer, que l’on appelle aussi la parade droite, est une position très versatile, qui permet de se défendre et d’attaquer. Elle se prend avec la main au-dessus du genou, le bras légèrement tendu et la pointe dirigée vers le visage de l’adversaire. La porte de fer se fait au centre, à gauche et à droite, mais plus généralement au centre.

On reste ainsi protégé derrière son arme, en offrant peu d’ouverture à l’adversaire. En contrepartie, celui-ci sera moins enclin à attaquer, et donc à s’ouvrir en donnant des frappes et des estocs. Or cela est un élément tactique sur lequel s’appuie beaucoup Joachim Meyer.

La longue pointe

La longue pointe est la position finale de tous les estocs et permet de garder l’adversaire à distance. Elle se fait avec le bras tendu et l’arme pointée vers l’adversaire. Elle se prend toujours au centre, mais existe en plusieurs hauteurs : il y a la longue pointe haute, médiane et basse, qui visent respectivement le visage, la poitrine et le ventre.

Les coups

Les gardes sont la bases des coups : frapper c’est passer d’une garde à une autre en envoyant son arme vers l’adversaire. Ainsi pour lancer une frappe, il faut partir d’une des quatre gardes haute, basse, gauche ou droite et finir dans la garde opposée. En frappant le bras est tendu, si bien que l’on passe par la garde de la longue pointe lorsque l’on touche l’adversaire. Un coup de haut se finit donc dans une garde basse, et un coup de bas se termine dans une garde haute. Un attaque s’accompagne toujours d’un déplacement, qu’il soit vers l’avant, l’arrière ou sur le côté. C’est pourquoi, en même temps que l’on attaque, il faut faire une fente avec la jambe avant pour arriver à portée de l’adversaire avec le faible de son arme.

Un coup de haut depuis la droite démarre ans dans la garde haute à droite pour la frappe, passe par la longue pointe, puis fini dans la garde basse à gauche, c’est à dire le changement. De même un coup de haut depuis la gauche va partir depuis la garde haute à gauche pour la frappe et descend jusque dans la garde basse à droite, ou garde de côté, toujours en passant par la longue pointe.

Les coups de dessous vont partir des gardes basses, ils faut cependant tourner la pointe vers l’arrière afin de les donner avec le long tranchant. Ils remontent vers le côté opposé en suivant la ligne diagonale et se terminent dans la garde haute pour l’estoc. Ces coups de bas passent aussi par la longue pointe avec la main soit retournée, ce qui est l’équivalent de l’archer au dussack.

Un coup de dessus de la droite vers la gauche

Dans sa partie sur le dussack, Joachim Meyer commence par décrire comment enchaîner plusieurs coups. Que ceux-ci soient des demi-coups (ils s’arrêtent alors dans la longue pointe) ou des coups pleins (qui finissent dans leur garde opposée), chaque nouvelle attaque est armée. Cela se fait souvent en faisant tourner son épée autour de sa tête. Que ce soit pour le dussack ou l’épée, avant de lancer une action offensive, l’auteur dit de façons répétées et insistantes : « zuck dein Wehr umb deinen Kopff», littéralement ramène ton arme autours de ta tête (le plus souvent, on trouvera juste le verbe « umbzucken », mais le reste est sous-entendu). On notera également que les demi-coups sont quasiment absents de la suite des traités. Ils sont utilisés comme un moyen d’apprendre comment “retenir tes frappes en cours, avant qu’elles soient complètes, et donc te permettre de venir te défendre pour attraper le coup adverse avec une contre frappe“.

Ceci est un autre trait spécifique à Joachim Meyer : les frappes sont amples. Très souvent c’est le verbe durch- hawen qui est utilisé pour désigner le geste de frappe. Cela signifie qu’elles partent d’un côté pour arriver vers l’autre, de la gauche vers la droite et vice versa. Entre deux attaques l’arme tourne pour repasser dans une garde. Il faut ainsi se forcer, avant chaque coup de dessus à monter au-dessus de sa tête, avec sa main jusque dans une garde haute pour la frappe, et de bien partir de la hanche pour une frappe basse. Les frappes ont donc une inertie certaine et finissent dans une position assez découverte. Cela est fait à dessin, comme le montreront plus tard les pièces depuis les gardes.

Les coups suivent quatre angles d’attaque, comme pour l’épée longue et le dussack, et comme l’ont montré les lignes divisant le corps de l’adversaire. Les frappes se donnent ainsi verticalement, en diagonale, horizontalement et selon la diagonale montante. Elles se font à différentes hauteurs, au niveau de la tête, du corps, des genoux ou des pieds. Si l’on veut attaquer les cibles basses, il faut se baisser sur sa jambe avant, de sorte à toujours avoir la main à hauteur de l’épaule. Il est ainsi plus facile de se défendre de la riposte adverse.

Bien que la manière de frapper soit longuement abordée au début de la partie sur le dussack, le chapitre sur les frappes présente divers coups. Pris séparément ils n’ont pas une grande valeur, mais s’entraîner à tous les faire est un bon début pour appréhender la pratique.

Le coup de dessus dans l’Avant

Si adversaire se tient devant toi dans la porte de fer, ou parade droit devant, alors place-toi également de la même manière devant dans l’Approche. Depuis cette posture, lève ton arme droit vers le haut avec le bras tendu, de façon à ce qu‘en montant ainsi, ton arme reste devant ton visage. Pendant ce temps observe de quel côté il te semble le plus ouvert. Frappe à la manière d’une entaille vers ce côté, droit devant toi et proche de sa lame, comme si tu voulais le frapper à l’intérieur sur la pointe. Saute alors rapidement vers l’autre côté, ramène ton arme de nouveau vers le haut et vers ce même côté duquel tu as sauté, et frappe rapidement vers ce côté avec un coup de dessus droit devant toi, proche de sa lame, à la manière d’une entaille et jusqu’en bas. Avec ce coup, tu dois venir avec les pieds bien écartés, de façon à ce que ton genou avant soit bien fléchi vers l’avant, afin que ton haut du corps aille bien vers le bas avec le coup. De cette manière ton arme doit chuter aussi horizontalement que possible. Remonte rapidement avec ton arme dans la longue pointe pour parer, ramène ton pied avant vers toi, et redresse ton corps. Pendant que tu te redresses, baisse ton arme et les quillons vers le bas dans la porte de fer, ainsi tu te tiens comme au début.

Le coup de dessus dans l’Après

Dans l’Approche, si vous êtes tous les deux arrivés dans la garde, ou la parade, mentionnée plus haut, et que tu te rends compte que ton ton adversaire est prêt en premier avec les coup, alors prends garde : lorsqu’il te frappe, alors ramène ton pied avant, le droit, en arrière, jusqu’au pied gauche. Et en même temps que tu ramènes ton pied avant en arrière, monte devant ton visage avec l’arme étendue vers le haut. Laisse ainsi son coup te manquer en tombant vers le sol devant toi. Et même s’il devait te toucher, il ne pourrait pas aller plus loin que la garde. Aussitôt que son coup est passé devant ta garde, alors frappe à la manière d’une entaille de haut en bas vers sa tête en sautant en avant avec ton pied droit. Cela doit se faire rapidement, afin que ton coup touche avant que son coup ne soit totalement tombé au sol. Reviens ensuite dans la parade que je viens de t’enseigner.

Le coup neutralisant

Lorsque tu t’aperçois que ton adversaire veut frapper vers toi depuis sa droite, que cela soit en diagonale, à l’horizontale ou d’en dessous, alors observe le moment où il ramène son arme vers le haut pour frapper, et ramène aussitôt la tienne vers le haut également. En remontant ainsi ton arme, saute vers son côté gauche et en dehors de son coup. Pendant que son coup vole vers toi, dirige ton coup de dessus vers son épaule droite, de façon à ce qu’en allant vers le bas, ta garde précède quelque peu ta lame. En marchant, tu dois également arriver avec les pied bien écartés l’un de l’autre, afin que ton haut du corps soit bien penché après le coup, comme je l’ai déjà dit avant. Tu le toucheras ainsi soit sur l’épaule droite, soit sur le fort de sa lame. Avec ce coup, tu dois neutraliser sa lame vers le sol et ainsi la lui affaiblir, de façon à ce que tu puisses aussitôt lui donner une frappe ou un estoc avant qu’il ne reprenne [le contrôle de son arme]. Mais s’il revient aussitôt d’en dessous de ta lame pour œuvrer, et qu’il riposte si rapidement avec des coups que tu ne puisses pas attaquer ses ouvertures sans risque, alors fais un rapide double pas vers son côté droit, ramène ton épée sur ton côté gauche jusque pour donner un coup de haut. Pendant qu’il frappe vers toi, envoie ce coup à l’extérieur et par-dessus son bras droit, en direction de son épaule gauche. Tu toucheras ainsi encore une fois son bras droit de haut en bas, ou bien sa lame, comme avant.

Le coup lorgnant

Lorsque tu as ramené ton arme en l’air, dans la garde haute pour la frappe, avec le bras tendu devant toi et que pendant ce temps il envoie un coup vers ton corps, de quelque côté que ce soit, alors marche de l’autre côté loin de son coup et frappe de haut en bas sur le fort de sa lame, de façon à ce qu’en descendant, ta main se retourne et que tu rencontres sa lame non pas avec le long tranchant, mais plutôt avec le court tranchant ou le plat. Aussitôt que les deux armes s’entrechoquent, si tu ne l’as pas touché avec le faux tranchant de ton faible, alors estoque à sa lame, devant, toi vers son visage. En estoquant ainsi, tourne le long tranchant vers le bas, de façon à ce qu’après la fin de l’estoc tu te trouves dans la longue pointe.

S’il frappe depuis sa droite vers ta gauche et que tu veux tomber sur sa frappe avec le coup lorgnant, alors retourne ta main vers l’extérieur en frappant, avec le court tranchant vers le bas, loin de toi. Mais s’il envoie un coup depuis sa gauche vers ta droite, alors en abaissant la frappe, retourne ta main vers l’intérieur contre ton corps, le court tranchant vers le bas. Et cela importe peu, si tu viens à sa lame avec le plat ou avec le court tranchant, mais le plus près les deux forts viennent l’un contre l’autre, le plus facilement le faible de ta lame le touchera derrière la sienne.

Coup de haut diagonal ou coup furieux

S’il envoie son arme vers le bas, alors frappe rapidement et soudainement par-dessus son arme, en diagonale en travers de son visage. Après cela, refrappe rapidement depuis l’autre côté vers son visage.

S’il envoie son arme en hauteur, alors frappe aussi en diagonale, mais par-dessous son arme, à travers son corps. Comme avant, fais cela rapidement, puis frappe depuis l’autre côté vers son corps.

Le coup de la croix

Le coup de la croix provient des deux coups furieux, c’est-à-dire que tu envoies ces deux coups de chaque côté, l’un contre l’autre, en haut ou en bas, comme le montrent les trois croix dans la gravure suivante.

Pour finir tu dois également apprendre à donner ces deux coups furieux en haut et en bas, de chaque côté en passant par les trois croix (comme avant depuis un seul côté), avec leurs pas. Apprends à les réaliser avec pertinence et loin de toi, non pas avec fougue, mais à la manière d’une entaille, avec des coups glissés.

Pour les premiers et les plus en hauteur, place-toi ainsi : tiens-toi avec ton pied droit devant, mais avec le corps redressé, comme je l’ai dit avant. Frappe ainsi avec le bras tendu, depuis les deux côtés, en diagonale en passant par son épaule. Dans ces coups, tourne bien ton côté droit vers l’adversaire après le coup.

Pour la seconde croix qui est au milieu, place-toi encore de cette manière : viens avec ton pied droit devant, de façon à ce qu’en marchant, tes pieds soit écartés l’un de l’autre d’environ une semelle en plus par rapport à avant. Plie bien le genou vers l’avant, de sorte que tu plonges un peu vers le bas avec ton épaule droite, à partir de laquelle tu donnes tes coups. Ton épaule se trouve alors à la même hauteur que l’intersection de la croix médiane. Frappe ainsi depuis chaque côté, en diagonale, en passant par le milieu du corps de l’adversaire, comme tu l’as frappé avant en passant par son haut du corps.


Pour la croix la plus basse, tu dois te tenir avec les pieds encore plus écartés l’un de l’autre, tout comme tu dois également avoir ton genou avant encore plus fléchi qu’il ne l’était jusqu’à présent. De cette façon tu te baisses encore plus qu’avant avec ton haut du corps, et comme pour les autres [coups], tu viens avec ton épaule droite à la même hauteur [que la cible]. Si ton corps t’empêche de faire cela, alors tu ne dois pas aller vers la croix inférieure, car cela n’est pas pour tout le monde, etc. Car lorsque tu veux le frapper vers les pieds mais que tu restes avec le corps redressé, alors il peut aussitôt se ruer droit vers ton visage avec un estoc. Cependant on peut de temps en temps réaliser un coup vers le pied, soudainement, avant qu’il ne s’en rende compte.


Tu dois apprendre à frapper les trois croix individuellement, ainsi que leurs pas en avant et en arrière. Tu y seras ainsi bien exercé lorsque tu devras les utiliser dans le futur. Tu dois également toujours rester avec le pied droit devant en marchant. Tu peux aussi t’exercer encore plus de cette manière avec ces trois croix :

Frappe le premier vers la croix du haut, en passant par la ligne diagonale gauche descendante, le second depuis ta gauche vers sa droite, en diagonale en passant par la croix du milieu, avec un pas supplémentaire vers l’avant. Frappe le troisième de nouveau depuis te droite vers sa gauche, dans la croix inférieure, en diagonale, en passant par son pied en faisant encore un plus grand pas en avant, avec ton pied avant. Ces trois coups doivent se faire rapidement, en avançant trois fois avec le pied avant. Et comme tu as passé de la ligne haute à la basse, tu peux aussi passer de la ligne basse vers la ligne haute, de l’une vers l‘autre.

Le coup à la hanche

Cela se fait ainsi : envoie un puissant coup de haut vers la tête de l’adversaire, mais ne le laisse pas toucher ni entrer en contact. Pendant la descente de la frappe, tourne plutôt ton faux tranchant loin de toi, vers l‘extérieur, contre son oreille gauche et plonge ainsi profondément ta pointe avant vers son visage. Avec cela, non seulement tu le contrains à parer, mais tu te prépares également pour le prochain coup. Pendant qu’il monte pour parer, alors ramène aussitôt ta garde devant ton visage, vers le haut, autour de ta tête, et frappe vers sa hanche droite depuis ta gauche, de haut en bas, en diagonale, à l’extérieur de son bras droit. Cela doit se faire en un seul pas et un seul mouvement, de façon à ce qu’avec le premier coup de haut retiré tu lèves ton pied droit, puis que tu le reposes en même temps que tu complètes le coup à la hanche. Tu l’as ainsi réalisé correctement.


Estoque depuis la porte de fer vers le haut, droit vers son visage. Aussitôt qu’il monte avec sa garde, alors frappe comme avant vers la hanche.

Le coup circulaire

Effectue cela ainsi. Si tu te tiens dans la porte de fer, alors ramène ta garde vers le haut et ta gauche, jusque dans la garde du bœuf à gauche. Depuis celle-ci tire un coup médian horizontal entier vers sa droite, passant par son visage. Tire le second coup de la même façon, complètement, depuis ta droite vers sa gauche, en passant par sa cuisse ou son genou. Ces deux coups doivent se faire rapidement, avec un pas vers l’avant, en un seul mouvement circulaire, qui frappe l’adversaire en haut au visage, en bas à la jambe, le premier en haut en passant par sa droite, le second en bas passant par sa gauche. Cela est appelé le coup circulaire à cause de ce cercle qu’il décrit en contournant

Le coup circulaire doublé

Pour celui-ci place-toi ainsi : frappe le premier à l’horizontale, depuis ta droite vers son visage. Mais ne le laisse pas toucher. En frappant, ramène plutôt ta garde entre toi et lui, vers ta gauche jusque dans la garde du bœuf de ce côté, et tourne bien ton côté droit vers ta gauche à la suite de ta garde. Mais tu ne dois pas rester à cet endroit, même l’espace d’un instant. En ramenant [ta garde] vers le haut, baisse plutôt ta tête et envoie le second coup autour de ta tête, vers son côté droit, en travers du flanc ou de l’épaule. Cependant ne va pas non plus d’un côté à l’autre avec ce coup, seulement jusqu’à sa parade, s‘il l‘a tournée vers l’avant. Avec ce coup, monte ainsi encore une fois avec ta garde, vers ta droite et ne laisse ta lame revenir autour [de ta tête] et frappe le troisième horizontalement, depuis ta droite en passant par son pied, cette fois-ci en le terminant. Comporte-toi ainsi avec les pas : pour les deux premiers coups médians, avance ton pied droit seulement un petit peu, pas trop lourdement sur le sol, rassemble plutôt ton poids avec ce pas. Ainsi avec ce pas tu peux avancer le même pied plus facilement pour le troisième coup. Dès que le pied touche le sol dans le premier pas, il doit remonter et avancer avec le troisième coup. Ces trois coups doivent également se faire rapidement en un seul mouvement, comme la lettre S, avec deux pas. Le dernier coup doit être le plus fort et donné complètement. Les deux autres ne doivent pas être donné complètement, mais seulement jusqu’à l’ouverture, depuis laquelle ils sont retirés. Comme je l’ai dit, tout ceci doit se faire en un seul mouvement.

Le coup au cou

Bats-toi de cette manière : dirige ton arme dans la garde basse à droite ou dans la porte de fer, observe si l’adversaire veut t’attaquer depuis sa droite. Si ensuite il t’estoque ou te frappe depuis sa droite vers ta gauche, alors saute bien vers sa gauche, hors de son estoc ou de son coup, en en même temps que ce saut, frappe en haut, en travers du fort de sa lame avec le plat intérieur [de la tienne]. Pendant que le plat de ta lame entre en contact avec la sienne, saute rapidement plus loin vers son côté gauche, puis après que tu lui as pressé sa lame vers le bas avec le plat, tire le vrai tranchant vers sa droite, en travers de son cou.

Le coup au pied et à propos du coup médian

Ce qu’il faut comprendre ici par “pied”, c’est l’intégralité de la jambe, du genou jusqu’à la plante du pied, vers lequel on peut frapper à l’horizontale et en diagonale. Le coup horizontal est appelé coup médian, qu’il se fasse en haut ou en bas, le coup diagonal est appelé coup furieux. Cependant tu ne dois pas frapper vers le pied, à moins que tu ne l’aies affaibli avec la neutralisation – que je t’ai enseigné précédemment – ou que tu lui aies pris sa lame via une autre pièce, sauf s’il a la négligence d’attendre trop longtemps ou qu’il est parti trop haut.

Le coup à la main

Le coup à la main peut être réalisé de nombreuses façons, comme tu l’apprendras dans les pièces. Retiens maintenant qu’aussi souvent que l’adversaire te frappe vers les pieds, alors il doit tendre sa main loin de lui. C’est pourquoi tu peux facilement reculer avec ton pied et en même temps le frapper vers la main, comme te l’enseigne les deux personnages sur la gravure B.

En plus de cela, tu peux le frapper à la main aussi souvent qu’il va trop haut ou trop loin sur le côté. Le coup à la main est le plus estimé dans le combat à l’épée seul. Il oblige en effet l’adversaire à être sur la défensive, de telle sorte qu’il a déjà à moitié perdu, si ce n’est entièrement.

Le coup doublé

Fais cela ainsi : si l’adversaire frappe vers toi depuis sa droite vers ta gauche, alors frappe à l’encontre de son coup avec un coup horizontal ou un coup de dessous. Plus tu le lui attrapes haut, mieux c’est. Aussitôt que son coup et ta lame s’entrechoquent, tourne le faux tranchant à l’intérieur, vers sa lame et avec le long tranchant, quitte soudainement sa lame pour aller en travers de son visage. Avec ce coup, ramène ta garde vers le haut et laisse la lame passer sous son bras droit, vers ta gauche et simultanément saute sur le côté avec le corps bien penché vers sa droite, et frappe vers sa tête avec ton long tranchant en passant à l’extérieur, par-dessus son bras droit. Si tu les fais correctement, ces trois coups sont réalisés rapidement et en un seul mouvement.


Avec ce coup doublé-ci, tu pourras apprendre facilement comment on doit doubler tous les autres coups.

Les estocs

Contrairement à l’épée longue, les estocs sont pleinement assumés à l’épée seule. C’est même de cette manière que l’on va le plus souvent chercher à toucher l’adversaire, en lui envoyant la pointe au visage.

Comme pour les frappes, les estocs se font en passant d’une garde à une autre. Les estocs partent des quatre suspensions, que sont les deux gardes de la charrue et du bœuf, et se terminent dans la longue pointe. Cela se fait évidemment accompagné d’une fente, comme pour toutes les attaques. Ils sont également armés : depuis la garde haute, la garde revient légèrement en arrière pour donner plus de puissance à l’estoc.

Joachim Meyer propose plusieurs pièces sur les variations de l’estoc. Elles permettent de s’entraîner à viser les différentes ouvertures et réaliser le geste dans différents contextes.

L’estoc supérieur

Place-toi dans la garde du bœuf à droite, qui t’as été apprise plus haut. Lève ton pied droit pour faire un pas en avant et en même temps que tu lèves le pied, ramène ta garde en arrière, par-dessus ton épaule droite, pour préparer un puissant estoc. À partir de là, estoque vers sa poitrine en faisant un grand pas en avant avec ton pied levé. Juste au moment où cet estoc doit toucher, tourne le long tranchant vers le bas et ta gauche, à la manière d’une entaille. Ainsi, après la fin de l’estoc tu as le genou avant bien fléchi et le haut du corps bien penché par-dessus, en avant et vers le sol, à la suite de l’estoc. De cette façon, après avoir complété l’estoc, tu amènes ta lame avec le bras tendu devant ton pied, en descendant avec une entaille vers le sol. A partir de là, ramène ton pied et remonte avec le long tranchant dans le bœuf à droite, comme tu te tenais au début. Cela se fait des deux côtés.

L’estoc au visage

Place-toi dans la garde du bœuf à gauche. Si ensuite il t’estoque vers ta droite, alors saute bien vers sa droite, hors de ton estoc et estoque vers son visage avec le bras tendu, par-dessus son bras droit, depuis ta gauche, pendant qu’il estoque.

Item. Place-toi dans la garde du bœuf à droite et observe le moment où il estoque vers toi. Marche alors sur ton côté gauche avec ton pied gauche, hors de son estoc et suis rapidement sur le côté avec ton pied droit, vers sa droite. En même temps que tu fais ces pas, laisse ta lame se dérober vers ta gauche, et également voler de se même côté jusque dans la garde du bœuf à gauche, depuis laquelle tu estoques par-dessus son bras droit, vers son visage, comme avant, pendant qu’il est encore en train d’estoquer. Ainsi tu le touches comme tu peux le voir avec les petits personnages de la gravure A sur la page précédente. Cela doit se faire rapidement pendant qu’il estoque.

L’estoc à la gorge

Dans l’approche, lorsque tu trouves ton adversaire dans la porte de fer, alors menace son visage d’un estoc depuis la garde haute du bœuf à gauche, en passant à l‘extérieur par-dessus son bras droit, et en faisant un pas sur le côté, de façon à ce que ta garde reste en hauteur. Dans le même temps, si tu remarques qu’il monte avec sa garde vers sa droite en pensant écarter ton estoc avec une rotation ou en le parant, alors laisse ta pointe avant plonger à côté de son épaule droite, puis passe par dessous son bras droit avec ta pointe. Estoque aussitôt complètement à l’intérieur de son bras droit, de bas en haut, vers sa gorge. Ainsi en envoyant ton estoc, le long tranchant se trouve vers le bas et le faux tranchant se trouve vers le haut. Après avoir terminé ton estoc, tu as ton arme dans la longue pointe. Cela est ainsi correctement effectué et cela doit se faire soudainement et rapidement.

L’estoc au cœur

S’il l’adversaire te frappe depuis sa droite, alors frappe également horizontalement depuis ta droite contre son arme. Avec ce coup, marche bien derrière sa lame, vers sa droite, avec ton pied droit. Ainsi tu attrapes son coup sur le fort de ta lame, et plus cela est près de sa garde et en hauteur, mieux c’est. Lorsque les lames s’entrechoquent, alors tourne la pointe à l’intérieur, vers le côté gauche de sa poitrine, de façon à ce que ta lame reste à la sienne et que le faux tranchant soit tourné contre son long tranchant. Estoque ainsi en restant contre sa lame, comme le montre le grand personnage de la gravure G.

En faisant tout cela, observe soigneusement s’il veut partir de ta lame. Aussitôt que tu sens cela, alors tourne de nouveau le long tranchant contre sa lame. Reste ainsi à sa lame avec l’entaille, puis continue plus avant contre son corps et veille à pouvoir lui placer la pointe en fonction de tes opportunités.

L’estoc à l’aine

Effectue cela ainsi : si l’adversaire te frappe à l’extérieur vers la jambe, le genou ou le pied droit, alors attrape sa lame avec un contre-coup depuis ta gauche et dans le même temps marche bien sur son côté droit avec ton pied gauche. Aussitôt que les lames entrent en contact, fait un second pas vers lui, avec ton pied droit, et tourne ta pointe de ta lame vers le haut, en dessous de la sienne et estoque-le à l’aine.

Ou bien, si il t’estoque d’en dessous pour commencer, alors marche encore une fois vers son côté droit avec ton pied gauche, et dégage l’estoc qui vient vers toi depuis ta gauche vers ta droite avec la lame suspendue. Aussitôt que ta lame entre en contact avec la sienne, alors avance également vers lui avec ton pied droit et estoque-le à l’aine par-dessous sa lame comme avant.

L’estoc retourné

Si l’adversaire se tient devant toi dans la parade droit ou la porte de fer, alors estoque-le en montant droit au visage depuis la garde basse à droite, à l’intérieur de son arme, durement à sa lame. En l’estoquant, tourne le long tranchant contre sa lame, vers le haut et ta gauche. S’il repousse ou dégage ta lame loin de lui, vers ta droite, vers le haut ou sur le côté, alors laisse ta lame revenir vers toi en tournant autour [de ta tête], si fort que ta lame revient d’elle-même vers le bas, sur ton côté gauche, avec la pointe qui remonte vers l’intérieur, sous sa lame. Estoque ainsi sous sa lame avec la main retournée, au niveau de son bras droit, comme tu peux le voir avec les petits personnages à gauche dans la gravure C.

Dans cet estoc, la pointe doit être placée avec l’élan initial du mouvement autour [de la tête], sinon l’estoc est trop faible. Ramène aussitôt ton arme vers ta gauche et depuis là, donne un coup défensif passant par son son épaule, son visage ou son côté droit. Ou bien laisse de nouveau [ton arme] filer avec la main retournée et estoque le de nouveau vers son visage [en passant] à l’extérieur de son bras droit, de façon à ce que dans cet estoc vers l’avant, la paume soit tournée vers le haut et le faux tranchant contre sa lame.  En même temps que tout cela, penche ta tête bien vers le bas, loin de son arme. Il doit alors se défendre de cet estoc et l’écarter avec une rotation, dès qu’il fait cela, alors contourne de nouveau l’extérieur de son bras avec ta pointe, de façon à ce qu’en en faisant le tour, ta main se retourne de nouveau comme avant. Estoque ensuite comme avant vers son corps, par-dessous son bras droit avec la main retournée. Poursuis ensuite avec un coup défensif comme tu l’as appris avant.

L’estoc doublé

S’il l’adversaire te rencontre dans la porte de fer droit devant lui, alors estoque-le vers le haut, au visage, depuis la garde basse à droite, à l’intérieur, fermement à sa lame, au niveau de sa garde. Avec cela tu le menaces, de façon à ce qu’il doive monter avec sa garde. Aussitôt que tu t’aperçois qu’il monte avec sa garde pour parer, alors lève également ta garde vers le haut en estoquant, transforme l’estoc inférieur en estoc supérieur et estoque ainsi derrière ou à côté de sa garde, en travers vers son corps.

Ou bien estoque-le à l’intérieur vers le corps. Aussitôt qu’il rencontre ton estoc avec la parade, alors tourne le court tranchant vers l’intérieur, contre son corps et laisse ta lame passer sous la sienne et  son bras droit, vers ton côté gauche. Laisse-la ainsi filer vers le haut sur ton côté gauche, jusque dans la garde du bœuf à gauche. Depuis celle-ci estoque-le au visage, par l’extérieur de son bras droit, avec un pas vers son côté droit. Ces deux estocs doivent se faire rapidement l’un après l’autre.

Ou bien estoque-le au visage, à l’extérieur, par-dessus son bras droit. S’il écarte ton estoque vers son côté droit avec une rotation, alors laisse aussitôt ta lame filer vers ton côté gauche, de nouveau jusque dans la garde du bœuf à gauche et dans le même temps marche avec le pied gauche bien derrière ton pied droit, vers lui et vers son côté gauche. Estoque-le ainsi depuis la garde haut du bœuf à gauche à l’intérieur de son arme, vers son visage, en avançant ton pied droit.

L’estoc trompeur

Dans l’approche, envoie un puissant estoc depuis la garde haute du bœuf à droite vers le visage de l’adversaire. En estoquant, tourne ton estoc de haut en bas en faisant un grand pas, puis estoque-le par-dessous sa garde, en montant vers son ventre. Lorsque tu tournes correctement  ton estoc supérieur en estoc inférieur à travers la rose, alors il semble qu’au début tu estoques d’en haut, mais avant qu’il ne s’en aperçoive, tu l’as touché en bas.

Item. Si ton adversaire se trouve dans la porte de fer devant lui, alors estoque vers le haut, à l’intérieur de son arme, vers son visage, sans toucher, de façon à ce que ta lame revienne sur ton côté droit dans le bœuf à droite, comme si tu voulais estoquer à l’extérieur, par-dessus son bras droit. Transforme trompeusement ton estoc en l’air et estoque-le d’en haut au visage, par-dessous sous arme.

L’estoc volant

Place-toi dans l’approche dans la garde basse à droite, de façon à ce que tes pieds avants ne soient pas trop loin l’un de l’autre, pour que tu puisses faire chaque estoc avec un pas en avant. Pour cela, tu dois maintenir l’articulation de ton coude droit rigide et aussi tendue que tu peux dans tous les estocs. Puis, agis de façon active comme si tu voulais estoquer vers lui. Mais lorsque tu as l’air d’estoquer avec ta pointe vers lui, alors conserve imperceptiblement le contrôle sur ton arme. Ainsi dès que tu aperçois une opportunité après que tu l’aies trompé avec un comportement sérieux, estoque vers lui dans un mouvement soudain, où et quand il s’y attend le moins. Cela se fait avec un pas en avant, aussi vite que le carreau d’une arbalète. Tu dois ensuite ramener ton arme dans la garde de côté, mentionnée plus haut, aussi vite que tu estoques. Depuis celle-ci, s’il doit en plus estoquer, alors tu devras l’écarter des deux côtés avec une entaille.

Afin de mieux t’exercer à cela, choisis un point précis où tu peux estoquer et estoque devant toi avec un pas vers l’avant depuis la garde basse à droite, de façon à ce qu’en touchant avec l’estoc tu te tiennes comme te le montre le personnage sur la gravure A. Ramène aussitôt ton arme jusque dans la posture précédente et dans ce mouvement ramène aussi ton pied dans sa position précédente. Depuis celle-ci, estoque encore une fois rapidement vers ce point avec un pas en avant, puis ramène ton arme ainsi que ton pied à leurs places après l’estoc, etc. Cela se fait d’une à six fois.


L’épée seule de Joachim Meyer

1 thought on “L’épée seule de Joachim Meyer, Partie 4 : Gardes, coups et estocs

  1. Merci pour votre travail. Débutant en rapière et tentant d’animer des sessions d’études sur le sujet, votre travail m’est très utile.

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