Feinter l’adversaire, c’est lui faire croire que l’on attaque à un endroit, puis attaquer à un autre. Plus la transition entre ces deux attaques est fluide et naturelle, plus l’adversaire se laissera avoir facilement. Pour apprendre à tromper son adversaire il faut savoir comment transformer ses attaques, en changeant une frappe en estoc, ou un estoc en frappe, pour viser successivement les différentes ouvertures de l’adversaire.
Transformer les coups en estocs
Dans l’approche, lorsque tu peux atteindre le bout de son [épée] avec le bout de la tienne, alors donne un puissant coup de haut en diagonale vers sa gauche. Pendant que ton coup se dirige vers lui, tourne ta main, de façon à ce que le court tranchant soit tourné à l’intérieur, vers lui. En frappant, maintiens imperceptiblement ta garde un peu en hauteur, jusqu’à ce que ta lame soit pointée vers l’avant pour l’estoc. Estoque aussitôt de l’autre façon vers sa poitrine, de la même manière que tu l’as appris précédemment pour l’estoc supérieur et tombe avec un grand pas.
Item. Envoie à l’adversaire un coup médian ou un coup de dessous depuis ta droite, et observe soigneusement le moment où il va à l’encontre [du coup] pour parer. A l’instant où ton coup doit toucher, avant qu’il ne touche, tourne rapidement se coup en un estoc. Mais si tu rencontres sa lame avec ton coup, que cela soit avec un coup de haut, un coup diagonal, horizontal ou de dessous, alors pendant que les lames rentrent en contact et s’entrechoquent, tourne aussitôt ta pointe à l’intérieur, vers son corps. Estoque ainsi à sa lame vers l’intérieur, comme je l’ai enseigné à propos du coup marteleur dans la section sur le dusssack.
Transformer les estocs en coups
Dirige un puissant estoc supérieur vers le visage de l’adversaire. A mi-chemin, lorsque tu remarques qu’il monte et veut parer, juste au moment où ton estoc doit toucher, ramène rapidement ta garde vers le haut et frappe sur le côté ou en dessous de sa garde.
Item. Dirige un estoc droit devant toi vers son visage. Au moment où il doit toucher, tourne ta garde vers le haut et ta gauche et laisse ta lame aller autour de ta tête. Frappe-le en diagonale, à l’extérieur, à sa droite, que ce soit en dessous ou au-dessus. Mais si tu es surpris par un coup, si bien que tu dois parer, alors dès que son coup entre en contact avec ta lame, tourne ta lame à la sienne, avec ta pointe à l’intérieur, vers son corps, afin de te préparer à frapper à ton gré.
Ces quatre exemples donnent des idées sur la manière de changer les coups. Les frappes sont transformées en estocs en tournant la pointe vers l’intérieur, en faisant un coup plongeant. Le passage de l’estoc au coup se fait en remontant la poignée, permettant ainsi d’armer une frappe, ce qui revient très souvent dans les différentes pièces.
Les feintes
Feinter c’est provoquer une parade de la part de l’adversaire suite à une attaque, puis éviter le contact de son arme pour relancer une attaque vers une autre de ses ouverture. Joachim Meyer insiste beaucoup sur la fluidité qu’il faut avoir en feintant. La première attaque – inachevée – ainsi que la seconde – qui va toucher – doivent s’effectuer dans un même mouvement :
Dirige un puissant coup de la colère vers sa gauche, et à mi-chemin, avant qu’il ne touche, tourne le court tranchant à l’intérieur vers lui, pendant qu’il est encore en train de monter en l’air, comme si tu voulais l’estoquer au visage. Avec cette transformation tu te prépares en l’air pour un second coup, que tu devras également faire vers sa gauche, soit en dessous, soit au-dessus, cette fois-ci en le terminant.
Lorsqu’il aborde les feintes, Joachim Meyer parle de deux mécanismes distincts. Le premier est la feinte avec l’arme. C’est celle qui correspond aux pièces précédentes et où c’est le geste de l’attaque qui va inciter l’adversaire à se défendre. Mais il évoque aussi les feintes avec « la manière dont on se comporte », ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui le langage corporel. Ainsi avec son attitude, son regard, il est également possible d’orienter la réponse de l’adversaire, ce qu’il tente de mettre dans les pièces suivantes :
Lorsque tu trouves un adversaire dans la garde basse à droite, alors place-toi dans la porte de fer et comporte-toi comme si tu voulais sérieusement l’estoquer au visage. Pour agir ainsi, lève ton pied droit et regarde durement vers son visage. Envoie ainsi la pointe vers son visage, avec le bras et la main vigoureusement pressée vers l’avant, le nez froncé et le pied levé, comme si tu voulais l’estoquer sérieusement. En estoquant, tourne le long tranchant vers le haut et ta gauche. Avec l’estoc, provoque-le de façon à le faire monter pour parer l’estoc. Pendant qu’il monte, laisse ton estoc aller autour de ta tête et frappe vers l’extérieur, vers sa jambe droite avec le corps penché et en faisant un grand pas. Remonte vite en garde avec des coups défensifs pour te protéger.
Item. Place-toi dans la porte de fer, comme avant. Comporte-toi comme si tu voulais le frapper à la jambe, de cette manière : dans l’approche, fixe son pied avancé durement, avec les yeux grands ouverts. Dans le même temps lève ton arme et penche ton corps avec le pied levé, comme si tu voulais le frapper en bas avec un pas en avant. Mais lorsque tu reposes ton pied en avançant, alors estoque devant toi vers son visage, depuis le point où tu as levé ton arme. Avec cet estoc, garde ton regard et ton comportement dirigé vers son pied. Ainsi il ne remarquera pas l’estoc jusqu’à ce qu’il se produise. En effet, en levant ton arme pour la frappe, tu te prépares pour l’estoc. L’estoc et le pas finissent l’un et l’autre en même temps.
Evidemment certains artifices qui sont montrés ici marchent plus ou moins bien avec la pratique moderne. Le port du masque va, par exemple, empêcher la transmission d’informations liées au regard. Mais le comportement apparent, le rythme, les réactions à divers stimuli sont autant d’outils à exploiter afin de tromper son adversaire par le biais du langage corporel.
Le changement à travers
Changer à travers, lorsque l’on n’est pas au liage, est aussi un type de feinte. Il s’agit de passer sous l’épée de l’adversaire quand celui-ci envoie son arme pour parer, ou lorsqu’il attaque l’épée et non le corps.
Premièrement, lorsque tu diriges un coup vers ton adversaire, que ce soit vers le haut ou le bas du corps, alors pendant que tu le frappes, note s’il monte vers ton coup pour le parer. Si tu observes cela, alors ne laisse pas ton coup entrer en contact avec sa parade, mais ramène-le et dirige ton coup par-dessous sa lame, puis estoque-le de l’autre côté. Quel que soit le côté duquel tu veuilles frapper, envoie ou ramène toujours ton coup par-dessous sa garde ou sa lame, juste au moment où cela doit toucher. Oeuvre ensuite de l’autre côté, que ce soit avec des estocs, des coups, des neutralisations ou en repoussant avec des entailles.
Quel que soit le côté duquel il veut frapper vers toi, alors observe soigneusement s’il dirige son coup trop haut ou contre ta lame, ou bien pas assez vers ton corps. Aussitôt que son coup arrive vers ta parade, alors recule un petit peu ton pied avant vers ton pied arrière et ramène ta lame de l’autre côté en passant sous la sienne. Laisse ainsi son coup manquer et estoque-le vers le côté duquel il a envoyé son coup. Fais cela rapidement, de sorte que ton estoc le touche avant qu’il ne soit remonté après son coup manqué.
Les poursuites
Les poursuites ne sont pas vraiment des feintes en soi. Cependant cette pièce exploite les mêmes mécanismes : faire bouger l’adversaire et l’attaquer où il se découvre.
Si ton adversaire dirige son arme en bas vers sa droite, alors fais attention au moment où il part de là. Estoque rapidement à ce même endroit pendant qu’il éloigne son arme. De la même manière, note soigneusement lorsqu’il dirige son arme vers sa gauche. Lorsqu’il la ramène depuis ce côté, alors pendant qu’il s’en va, estoque rapidement et adroitement à cet endroit. De la même manière, lorsqu’il va de bas en haut, alors poursuis-le avec un estoc d’en dessous pendant qu’il monte. Poursuis-le également rapidement de haut en bas lorsqu’il descend avec des coups. Dans les poursuites, lorsque tu touches avec ton estoc, veille soigneusement à toujours tourner le long tranchant vers son arme, qu’il fasse un coup ou un estoc. Aussitôt qu’il sera conscient de ta poursuite, il se ruera de nouveau avec son arme vers la tienne. Avec cela il se ruera et attaquera vers l‘ouverture que tu as découverte avec cette poursuite et cette extension. Tu peux alors aussitôt le détourner, l’écarter, le repousser avec une entaille en contre entaillant.
Les feintes sont des éléments techniques simples : elles consistent surtout en des transformations de coups et des changements de cibles. Elles ne fonctionnent que si l’adverse quitte sa position pour aller effectivement parer. Cela demande plus que de la connaissance technique pour être réalisé, et il faut apprendre à tromper l’adversaire, à avoir quelques coups d’avance en tête pour réellement maîtriser les feintes.
L’épée seule de Joachim Meyer :
- Introduction
- Division de l’arme et de l’adversaire
- Déplacements et distance
- Gardes, coups et estocs
- Défenses et parades
- Description du combat chez Joachim Meyer
- Feintes et transformations de coups
- Travail au fer
- La porte de fer – Travail dans l’Après
- La porte de fer – Se protéger des feintes
- La porte de fer – Travail dans l’Avant
- La garde haute à droite
- La garde basse à gauche
- La garde haute à gauche
- La garde basse à droite
- La garde de la charrue
- Les entrées en lutte
- Epée et dague – Principes
- Epée et dague – Pièces
- Epée et cape
- Epée contre armes d’hast
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