La plupart des coups et des parades se terminent par la rencontre de l’épée avec celle de l’adversaire : c’est ce qu’on appelle le liage. Dans celui-ci le combat fait appel à d’autres mécanismes et perceptions. L’utilisation du fort et du faible, la gestion de la fermeté ou de la souplesse du contact de la lame vont être les clés de cette partie de l’affrontement.
Le liage est un passage critique de l’assaut : c’est à ce moment que l’avantage que l’on avait sur l’adversaire en le contraignant à parer peut être perdu et où la situation peut s’inverser. Comme cela a déjà été dit, l’Avant et l’Après permutent entre les deux adversaires, dans ce que l’on appelle le Même-temps. C’est l’intervalle d’action dans laquelle il faut sentir, tester la nature du contact avec la lame adversaire, et effectuer la bonne action avant lui. Il faut donc être habile dans ses observations et dans ses gestes pour garder l’avantage dans le liage ou le reprendre.
Les différentes manœuvres dans le liage
Le liage fait l’objet d’une réflexion détaillée chez Joachim Meyer. Il décrit en effet les différentes actions à effectuer ou non, en fonction de comment sont liées les épées. Cela définit ainsi trois distances, selon que les épées sont au contact par le faible, le milieu ou le fort. Cette mise au point essentielle est abordée dans la partie sur l’épée seule, mais concerne toutes les armes :
Dans le combat, lorsque tu es si proche de l‘adversaire que tu peux atteindre le faible de sa lame avec le faible de la tienne dans le liage, alors tu peux aussitôt faire des frappes et des estoc sans détours, que ce soit avec des feintes ou avec des frappes retirées contre l’adversaire. Mais s’il se pressait vers tes ouvertures, pendant que tu vas autour [de ta tête] avec ton arme, alors il ne pourrait pas se ruer vers toi, car tu serais prêt à te ruer sur lui avec le coup que tu lui envoies, aussi vite que lui avec le sien.
Lorsque vous arrivez plus près de l’un et de l’autre, de façon à ce que les deux lames soient au contact et liées par le milieu, alors tu ne dois pas partir frapper de l’autre côté, ni quitter sa lame sans raison particulière. Car si tu quittais sa lame, il pourrait se ruer vers toi avec la poursuite. Retiens plutôt avec rigueur les pièces que tu pourras utiliser en étant à sa lame. Retiens bien que s‘il se commet dans ses frappes ou qu’il se découvre, tu dois le poursuivre.
Si tu viens encore plus près, en ayant ainsi lié le milieu de ta lame avec le milieu de la sienne, alors sois rapide avec les saisies, les luttes, et les projections, et si tu n’as pas d’autres choix, recule loin de lui.
Comme on le voit, la situation dans laquelle il faudra être le plus attentif, est celle ou les épée sont liées en leurs milieux, et où on ne peut quitter la lame de l’adversaire sans risque. C’est dans ce cas que le travail au fer trouve son application.
En plus de ces préceptes, le travail au fer est également abordé en détail dans la partie sur l’épée seule. L’idée reste la même : à une certaine distance il ne faut plus quitter le fer et estimer la nature du liage, s’il est fort ou faible, si l’adversaire pousse ou cherche à quitter le fer, etc…
- S’il le contact est faible ou que l’adversaire décolle son arme, il faut le poursuivre avec un estoc.
- Si le liage est dur, on s’appuiera sur sa lame pour effectuer des rotations et ainsi placer la pointe.
- Si l’adversaire pousse avec son épée, on passera de l’autre côté de son arme, par le bas en changeant à travers ou par le haut en décollant. Il se retrouvera ainsi complètement ouvert.
Ces différents points sont illustrés dans les deux pièces ci-dessous :
La poursuite
Item. Si tu lies ta lame à la sienne, alors observe et sens le moment où il part du liage avec sa lame pour frapper ou pour estoquer de l’autre côté. Pendant qu’il s’en va, poursuis-le avec un estoc droit vers son corps, et tourne toujours le long tranchant vers la lame, à la fois en estoquant et en revenant. Le „sentiment du fer“, ce n’est ainsi rien d’autre que tester et ressentir comment et quand l’adversaire veut partir du liage, de façon à ce que tu le puisses et saches le poursuivre rapidement et avec confiance, comme cela a déjà été illustré dans la section de l’épée longue.
Les rotations
Aussi souvent que tu lies ton adversaire sur le milieu de sa lame, tu ne dois pas partir de là sans opportunité particulière. La raison c’est qu’il pourra se ruer sur toi avec la poursuite comme tu l’as appris précédemment. Reste plutôt ferme dans le liage à sa lame et tourne le faux tranchant ou la pointe avant à l’intérieur vers son corps et place-lui la pointe. S’il se défend de cela et qu’il pousse ta lame à l’extérieur, sur le côté, alors ramène rapidement [ton arme] en passant par-dessous et estoque de l’autre côté avec un pas en arrière.
Cependant s’il n’envoie pas [ta lame] sur le côté, mais qu’il remarque immédiatement ta rotation, et qu’il s’avance en avant avec un estoc vers ton corps, alors reste bien avec ta pointe vers son corps et tourne de nouveau ta garde ainsi que ton long tranchant vers le bas et sa lame. Écarte ainsi sa pointe en faisant une rotation et avance plus loin vers lui avec un estoc main retournée, dans le même temps fais un pas sur le côté.
L’épée seule de Joachim Meyer :
- Introduction
- Division de l’arme et de l’adversaire
- Déplacements et distance
- Gardes, coups et estocs
- Défenses et parades
- Description du combat chez Joachim Meyer
- Feintes et transformations de coups
- Travail au fer
- La porte de fer – Travail dans l’Après
- La porte de fer – Se protéger des feintes
- La porte de fer – Travail dans l’Avant
- La garde haute à droite
- La garde basse à gauche
- La garde haute à gauche
- La garde basse à droite
- La garde de la charrue
- Les entrées en lutte
- Epée et dague – Principes
- Epée et dague – Pièces
- Epée et cape
- Epée contre armes d’hast