L’épée seule de Joachim Meyer, Partie 12 : La garde haute à droite

A la différence de la Porte de Fer, que l’on a tendance à prendre « par réflexe », les gardes extérieures, hautes et basses de chaque côté, sont les positions initiales ou terminales des actions. Elles laissent généralement le visage découvert, ce qui peut inciter l’adversaire à estoquer vers la tête. C’est ce principe qui est exploité sur les cinq premières pièces. Depuis la parade droite on ramène son arme dans la garde haute, pour que l’adversaire attaque au visage, ce qui permet de placer une de ces cinq pièces comme contre.

Le premier exemple sur la manière dont tu dois estoquer en même temps que ton adversaire depuis la garde haute

Dans l’approche, lorsque tu viens devant l’adversaire avec la parade droite, mais qu’il ne veut pas se laisser duper, ni se faire sortir de son avantage par aucune pièce, alors dirige ton arme vers le haut, dans la garde haute à droite du bœuf et dirige ta pointe vers son visage avec ton bras tendu vers le haut. Aussitôt qu’il estoque vers toi, recule ton pied gauche derrière ton droit, vers lui, à l’extérieur et marche rapidement avec le pied droit plus loin, vers lui. Mais en faisant ce pas, tourne le long tranchant vers l’estoc qui vient vers toi et estoque ainsi en même temps que lui, à l’intérieur, loin de toi. Tu pares et touches en même temps, comme le montre le grand personnage à gauche dans la gravure F.

Tu peux également effectuer cette pièce depuis toutes les autres gardes, de la même manière que depuis cette garde haute : c’est-à-dire que tu recules hors de son estoc et que tu tournes le long tranchant contre sa lame pour l’envoyer sur le côté, puis estoquer en même temps que lui à l’intérieur.

Une autre pièce sur la manière dont tu dois dégager sa lame avec une entaille puis riposter

Lorsque tu arrives ainsi dans la garde haute pour l’estoc et que ton adversaire estoque ou frappe vers toi depuis sa droite, alors marche encore une fois doublement, comme avant, vers son côté gauche, hors de l’estoc et depuis la garde haute, tourne rapidement le long tranchant vers le bas. En tournant ainsi vers le bas, frappe vers sa lame en une volée, jusque dans la garde basse à gauche, en suivant bien avec le corps tendu. A partir de là, et avant qu’il ne retire sa lame de sous la tienne, frappe ou estoque vers son corps.

Ceci est un bon principe pour combattre depuis toutes les postures : c’est-à-dire que tu dégages sa lame vers le bas, loin de toi, en diagonale, depuis un côté et qu’ensuite tu riposte soudainement vers le corps de l’adversaire de l’autre côté, que ce soit par-dessous ou par-dessus sa lame, en fonction de la vitesse à laquelle il remonte.

Ces deux premières pièces sont des rappels de ce qui a été vu plus avant dans la partie sur l’épée : la plupart des manœuvres défensives se font en décalant le pied arrière vers l’extérieur, et la riposte en avançant le pied avant. On retrouve deux parades déjà vues, l’écarté et la neutralisation. Bien qu’elles soient présentées depuis cette garde, elles apparaissent comme des principes défensifs généraux, applicables à toutes les gardes. L’auteur insiste d’ailleurs bien sur les éléments spécifiques à ces techniques : bien tourner le long tranchant vers la lame adverse pour faire l’écarté et bien se baisser avec la neutralisation pour amener l’épée de l’autre vers le sol.

Comment tu dois le dégager avec les suspensions, puis riposter

Lorsque tu diriges ton arme dans la garde haute pour l’estoc et que ton adversaire estoque vers toi, alors tiens ta garde devant toi, [avec le bras] un peu tendu sur le côté et laisse ta lame et la pointe pendre vers le bas, droit devant toi. Pendant qu’il estoque, tourne ta garde vers ta gauche avec la lame suspendue, de telle manière que tu écartes sa lame sur le côté. Lorsque tu as dégagé sa lame avec ta lame suspendue, [en faisant] en plus un pas sur le côté, tu peux, après le dégagement, laisser aller la lame autour de ta tête et fortement frapper un second coup, de ta droite vers sa gauche, de part en part, de haut en bas avec un coup neutralisant glissé à travers son visage. En frappant vers le bas, tu viens ainsi vers le sol avec tes quillons avant ta lame, comme le montre le grand personnage à droite de la gravure G. A partir de là, et avant qu’il ne remette de cette neutralisation, estoque rapidement vers son visage.

Ou bien, lorsque tu l’as dégagé avec la lame suspendue, pendant que tu es en train de marcher sur sa gauche, laisse également aller ta lame autour de ta tête. Avec cela laisse aussi la pointe se projeter vers le visage de l’adversaire, jusque dans la garde du bœuf à gauche. De là, estoque vers son visage avec le pas sur le côté mentionné précédemment. Puis frappe aussitôt en diagonale des deux côtés, à travers la croix, en passant contre sa garde.

Ou bien, après que tu l’aies ainsi dégagé, laisse la lame tourner et se projeter dans la garde du Bœuf à gauche, comme avant. Menace ainsi de l’estoquer avec la main retournée. Il va alors monter à l’encontre de cet estoc pour le parer. Pendant qu’il monte, marche encore plus loin sur son côté droit avec ton pied droit et frappe-le vers la jambe de ce même côté. Fais rapidement le second coup d’en haut, en diagonale à travers son visage, de sorte que tu arrives dans la garde basse à gauche avec ton arme. Depuis cette garde basse, remonte rapidement avec le faux tranchant vers ta droite, laisse aller ta lame autour de ta tête et frappe-le aussitôt en diagonale, vers sa droite, au travers de son visage.

Cette pièce, qui possède trois conclusions, commence également avec une défense déjà vue, la parade avec la lame suspendue. Comme toujours ce mouvement s’accompagne d’une sortie du pied arrière pour aller hors de l’attaque adverse. La suspension sur la gauche permet de faire tourner l’épée autour de la tête pour armer un coup depuis l’épaule droite, ou venir dans le Bœuf à gauche pour travailler avec la pointe. D’une manière générale on remarque que les frappes son armée derrière la tête et se finissent dans les gardes basses. La clé pour réussir ces ripostes est de les faire dans un mouvement continu depuis la parade.

Sur la troisième variation de la pièce on notera aussi la feinte d’estoc au visage qui se transforme en coup à la jambe. Celui-ci est préparé par le fait d’estoquer avec la main retournée.

Une bonne pièce que tu peux faire avec les suspensions

Dans l’approche, lorsque tu arrives dans la garde haute du bœuf à droite et que tu vois également que l’adversaire estoque puissamment vers toi, alors saute bien sur le côté, vers sa gauche, hors de l’estoc qui vient vers toi. Tourne-le-lui sur ton côté gauche comme avant avec la lame suspendue. Avec ce dégagement, marche loin derrière ton pied droit, vers lui, avec ton pied gauche et suis aussitôt avec le droit à la poursuite de l’estoc et tourne-lui le dos. Fais alors un estoc retourné de derrière, sous ton bras droit vers son ventre. A partir de là, retourne rapidement ton visage vers lui et frappe de haut en bas, tout droit, en faisant une roue avec l’arme tendue et avec un pas en arrière. Remonte aussitôt avec ta garde et échanges simultanément tes pieds, de sorte à avoir de nouveau le droit devant.

Voici l’une des pièces les plus acrobatiques de tout le Discours détaillé sur l’art du combat. Nulle part ailleurs on ne retrouve cet estoc retourné avec le dos ainsi tourné vers l’adversaire. La réussir nécessite une bonne maîtrise du temps et de la distance.

[Pièce 5]

Item. Lorsque tu te trouves devant ton adversaire, dans la garde haute précédemment décrite, et qu’il t’estoque d’en bas ou tout droit, alors marche bien sur le côté, vers sa droite. Dans le même temps tourne ta lame et la pointe en arrière, pour frapper. Avec cela dégage la lame qui vient vers toi, depuis ta gauche vers ta droite avec la lame pendante, comme cela t’est montré par le grand personnage en bas à gauche de la gravure C.

En même temps que ce dégagement, marche loin vers sa droite avec ta jambe droite. Après cette parade, ramène ton arme vers ton côté gauche, autour de ta tête, et avant qu’il ne remonte son arme ou n’en reprenne le contrôle, frappe par-dessus son arme en diagonale, depuis ta droite, à travers son visage ou vers le bras et la main avec laquelle il dirige son arme. Tu viens ainsi dans la garde basse à gauche.

Cette dernière pièce dans l’Après utilise le dégagement avec la lame pendante. Contrairement à la parade avec la lame suspendue, on écarte l’épée de la gauche vers la droite. Une fois n’est pas coutume, la pièce propose de sortir avec le pied avant au lieu du pied arrière, mais toujours pour se protéger derrière son épée. Pour donner plus de force au mouvement, cette parade est armée au-dessus de la tête, ce qui fait repasser par la garde haute à droite pour la frappe. Comme pour la parade avec la lame suspendue, avoir la pointe vers le bas offre une position idéale pour réarmer un coup de dessus.

En parallèle de ces pièces, Joachim Meyer donne un conseil : celui de viser le bras de l’adversaire quand celui-ci l’a tendu après l’estoc. Cela semble facilité par le fait de parer avec la lame vers le bas, ce qui permet de refrapper de haut en bas assez rapidement. On peut donc imaginer que les pièces commençant par une parade avec la lame suspendue peuvent aussi s’enchaîner avec une frappe sur le bras ou la main.

Comment tu dois rater l’estoc devant lui, dégager et riposter avec un estoc lorsqu’il ne veut ni te frapper ni t’estoquer

Item. Dans l’approche monte dans la garde haute. Lorsque tu te tiens ainsi devant lui et qu’il ne veut pas œuvrer, alors avance vers lui avec ton pied gauche. Pendant que tu avances, estoque d’en haut, au-dessus de ton pied gauche, en passant derrière lui sans le toucher, de sorte qu’à la fin de l’estoc tu reviennes dans la garde tu bœuf à gauche. À partir de là, dégage la lame qui vient vers toi avec le court tranchant, vers le bas et vers ta droite. En dégageant ainsi, avance bien sur son côté droit avec ton pied droit. Estoque d’en haut vers son visage, en tournant fortement et avec un grand pas de ton pied droit, de façon à ce qu’à la fin de l’estoc tu viennes dans la garde basse à gauche.

Item. Dans l’approche, lorsque tu estoques sans le toucher en passant derrière lui, à côté de ton pied gauche avancé, tu te découvres complètement le visage. Il ripostera alors sans aucun doute avec un estoc, aussitôt que tu estoqueras derrière lui. Lorsque tu seras avisé de son estoc, alors avance avec ton pied droit vers son côté droit et estoque en même temps que lui depuis le bœuf à gauche, dans lequel tu es arrivé en estoquant derrière lui, par-dessus son bras droit, vers son visage. Pendant que tu estoques vers l’intérieur, veille à vite tourner ton long tranchant contre sa lame et à bien esquiver avec ta tête sur ton côté gauche, loin de sa lame, derrière la tienne. Ainsi tu toucheras certainement s’il estoque.

Si malgré l’invite l’adversaire n’attaque pas, il faudra le provoquer de façon plus active, et c’est justement ce que propose cette pièce. Les provocations chez Joachim Meyer consistent souvent à se découvrir en portant une attaque, pour inciter l’adversaire à cibler une ouverture prévue à l’avance. Ici le choix est fait de lancer un estoc vers la gauche, passant derrière la droite de l’adversaire. Étonnamment celui-ci se fait en avançant le pied gauche, surement pour être stable lors de la riposte.

Effectue les blocages ainsi :

Lorsque tu te trouves dans la gardes du bœuf à droite, si l’adversaire te frappe aux pieds, de quel côté que ce soit, alors envoie la pointe avant avec le bras tendu jusqu’au sol, contre son coup depuis l’autre côté. Les lames forment alors une croix, comme tu le vois dans la gravure B. Barre-lui ainsi le coup, de sorte qu’il ne puisse pas passer avec son coup et marche simultanément sur le côté, hors de son coup. Dès que les lames s’entrechoquent, estoque rapidement depuis son arme, par-dessus ou par-dessous sa lame, vers son corps. Ramène vite ton arme et frappe ensuite à travers la croix.

Les jambes sont des cibles risquées : on se découvre facilement la tête en les attaquant et les coups s’esquivent simplement en ramenant sont pied avant vers son pied arrière. Cependant il est possible de parer de la manière indiquée ci-dessus pour prendre le fer et tenter de récupérer l’initiative depuis le liage.


La garde haute à droite est un bon moyen de se découvrir le visage et de donner l’envie à l’adversaire d’attaquer. Même si beaucoup de techniques sont réalisables depuis cette garde, le travail avec la lame suspendue est celui revient le plus souvent lorsqu’il s’agit de parer et de riposter. Depuis cette garde on peut naturellement lancer des estocs, mais aussi des frappes, qui se termineront dans la garde basse à gauche.


L’épée seule de Joachim Meyer :

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