La pique est la dernière arme traité dans l’imposant ouvrage de Joachim Meyer, Discours détaillé sur l’art de l’escrime, au sein d’un partie dédiée aux armes d’hast. Avant la pique, la pratique du bâton et de la hallebarde y est décrite. La partie sur le bâton est très importante pour comprendre la pique, car elle sert de base théorique et pratique pour cette arme finale.
De la manière dont il est traité chez Joachim Meyer, le bâton est une version miniature de la pique : plus court, plus léger, mais se tenant de la même manière. La pique est une arme compliquée à manier. Elle est très longue, deux fois la taille du bâton, ce qui lui donne une longueur d’environ 4 mètres, et donc très lourde. Son inertie est telle qu’il faudra savoir gérer de la déformation de l’arme sous son propre poids pour en maîtriser les mouvements.
La pique est une arme nouvelle de la fin du Moyen Âge: elle représente les nouvelles doctrine de l’art militaire, notamment les grandes formations d’infanterie compactes qui l’emploient. Joachim Meyer fait référence à cette utilisation de l’arme sur le champ de bataille, mais sont traité concerne surtout la pratique de la pique dans le duel, chose qui est plus en lien avec la pratique en salle d’arme et dans les Fechtschülen. Il n’est d’ailleurs pas le premier à en parler : une trentaine d’années plus tôt, Paulus Hector Mair présentait déjà une section sur la pique dans son gigantesque ouvrage d’escrime, le De Arte Athletica.
Comme pour les autres armes, le texte sur la pique est découpé en plusieurs parties : la présentation des gardes, la descriptions des principales attaques, les pièces issues des gardes et enfin sur section dédiée aux contres.
Cette série d’articles à pour but de décortiquer la pratique de la pique telle qu’on la trouve chez Joachim Meyer. Pour en expliquer les aspects plus facilement, le texte sera présenté dans un ordre différent de celui de l’oeuvre originale.
Les gardes
Il y a six gardes qui sont employées avec la pique selon Joachim Meyer. Comme dans la partie sur l’épée seule, elles peuvent être caractérisées par leur hauteur – haute, médiane ou basse – et l’intention qui est derrière – pour frapper ou pour estoquer.
La posture générale pour tenir la pique est celle-ci : la main gauche est devant sur le bâton et la main droite est sur le talon. Comme l’arme est pesante, les mains sont bien écartées sur la hampe. La jambe gauche est le plus souvent devant, même si la jambe droite avance plus souvent qu’au bâton.
La garde haute pour la frappe
Place-toi ainsi pour celle-ci : tiens-toi avec le pied gauche devant et maintiens la pointe arrière de ta pique sur ta hanche droite avec ta main droite. Avec ta main gauche, dirige la partie avant de ta pique vers le haut et devant toi.
Cette garde est celle décrite avec le moins de précision. La hauteur à laquelle doit s’élever la pique n’est pas très claire. Depuis cette position sont envoyées les frappes, comme pour le bâton. Mais contrairement à lui, la pique ne semble pas levée à la verticale.
la garde haute pour l’estoc
Dans l’approche, lorsque tu viens avec ton pied gauche devant et que tu as posé ta pique en avant de ta main gauche sur ton épaule gauche.

C’est la garde haute la plus utilisée, vu que les attaques à la pique sont principalement des estocs. Cette garde permet de bien soutenir le poids de l’arme, tout en menaçant l’adversaire de la pointe. Il faut également faire attention à l’adversaire qui peut essayer de déloger la pique de l’épaule sur laquelle elle est posée.
la garde du milieu
Lorsque tu maintiens la pointe arrière à ta hanche droite, comme tu l’as juste appris, et que tu laisses la partie avant de ta pique aller vers le bas, jusqu’à ce que celle-ci se trouve devant le visage de ton adversaire.

Comme pour le bâton, on repassera souvent dans cette garde, car c’est à travers celle-ci que se feront la plupart des liages avec la pique. Elle est également appelée la parade droite, car c’est la principale façon de parer avec la pique devant soi.
la garde de côté
Lorsque tu diriges ta pique de façon à avoir la pointe arrière et la main droite sur la hanche droite, et la main gauche étendue sur la pique avec la partie avant sur le sol, quel que soit le côté vers lequel tu ramènes la partie avant, que ce soit la droite ou la gauche, alors cela s’appelle la garde de côté.

La garde de côté est une garde basse, où la pointe est posée sur le sol. Elle est l’opposée de la garde haute pour la frappe. C’est depuis cette posture que l’on dégage l’arme adverse depuis le bas.
la garde basse par-dessus le genou fléchi
Tiens-toi encore une fois avec le pied gauche devant et tiens ta pique avec la main gauche sur ton genou avant, de façon à ce que la pointe avant soit vers le haut et qu’elle se trouve devant le visage de l’adversaire.

Cette garde est le contraire de la garde haute pour l’estoc. Si l’on se réfère à des choses familières de l’escrime allemande, cette dernière est la suspension haute, le bœuf, et la garde basse par-dessus le genou fléchi est la suspension basse, la charrue.
la garde de la neutralisation
Lorsque tu te tiens avec ton pied gauche devant, et que tu as placé ta pique à l’intérieur de ta jambe droite avec la pointe arrière, et que tu as saisi ta pique avec la main gauche étendue le plus loin possible de toi sur la hampe de la pique, de façon à ce que tu diriges et que tu tiennes ta pique avec grande force devant toi dans une posture large, comme tu le vois illustré à gauche de la gravure I, alors tu as correctement réalisé [la garde de la neutralisation].

La garde de la neutralisation ressemble beaucoup à la garde haute. Cependant l’arme est plutôt au centre et non sur la droite, vu que le talon est à l’intérieur de la cuisse droite. Cette garde est utilisée pour neutraliser l’arme adverse, c’est-à-dire la dégager vers le bas avec un coup vertical.
Attaques et défenses
Attaques
L’estoc est la seule manière d’attaquer l’adversaire. Les frappes ne sont là que pour dégager le bâton adversaire. Comme au bâton, c’est à cause de la façon dont on donne les estocs. En estoquant on gagne de l’allonge, ce qui fait que l’on peut atteindre son adversaire de plus loin qu’avec les frappes, et que celles-ci n’interagissent qu’avec l’arme adverse.
Joachim Meyer finit d’introduire la pique en décrivant la manière de donner les deux principales attaques : les estocs supérieurs et inférieurs.
[Un estoc d’au-dessus]
Dirige ta pique dans la garde haute sur ton épaule gauche, à propos de laquelle tu as été instruit précédemment. Donne alors à ta pique une discrète impulsion vers l’avant et avance en même temps avec ton pied gauche. Pendant que ta pique est toujours en train de monter du fait de l’impulsion, estoque devant toi, vers son visage et en avançant, afin que tes deux bras soient étendus le plus loin possible après la fin de l’estoc. Dès que ta pique chute vers le sol, tu dois avancer encore plus loin avec le pied gauche et ramener ta pique vers toi avec tes deux mains, avant qu’elle ne soit complètement tombée au sol, et également baisser ton haut du corps vers la pique. Et dans le même temps tu dois laisser chuter [ta pique] vers l’avant, jusque dans la garde basse par-dessus le genou fléchi, de façon à ce que la pointe avant se trouve devant le visage de l’adversaire.
Un estoc d’en dessous
Lorsque tu as ta pique dans la garde basse, alors donne encore à celle-ci une impulsion vers l’avant. En même temps que l’impulsion estoque vers son visage avec tes deux mains, en montant vers l’avant. Aussitôt que tes bras sont étendus à leur maximum dans cet estoc au visage, alors ramène-les en l’arrière, vers toi, jusque dans la garde haute au-dessus de ton épaule gauche en redressant ton corps, avant qu’il ne réussisse à envoyer le bout de ta pique au sol.
Ces deux premières pièces sont complémentaires : à la fin de chaque estoc, on termine dans la garde opposée, ce qui permet de s’entraîner à enchaîner estocs supérieur et inférieurs.
La première chose que l’on remarque avec ces estocs, c’est la gestion du poids de l’arme. A cause de sa longueur, la partie avant de la pique va fléchir vers le bas. Cela peut poser problème pour lancer les estocs. Pour lutter contre cela, il faut donner une impulsion à la pique pour aligner la pointe avec la cible, avant de l’estoc.
C’est aussi l’occasion de se rendre compte de la portée que l’on peut atteindre avec les estocs. Lorsque l’on pousse ceux-ci, on étend les bras au maximum, ce qui permet de combattre de très loin. Cependant cela à sa contrepartie : le poids de la pique à tendance à l’entraîner vers le bas, encore plus lorsqu’elle est tenue à bout de bras à la fin de l’estoc. Pour éviter que la pique ne chute trop vite, il faut lui donner assez de vitesse, sans oublier de lui donner la direction souhaitée avec la petite impulsion que l’on a déjà vu.

La portée maximale d’un estoc à deux mains
De même il faut être capable de ramener la pique à soi après un estoc. Il faut renvoyer tout son corps en arrière pour ramener la pique au-dessus de son épaule, ou se mettre dans une positon très basse les jambes écartée pour réceptionner la pique vers les bas.
Il est également possible de lancer les estocs avec une seule main. Ces techniques sont difficiles à réaliser et nécessitent plus de force pour être lancées.

On avance le côté droit pour gagner encore plus d’allonge pour les estocs à une main
Parades
De façon générale il y a deux façons de se défendre : la parade droite et la parade suspendue. Ces deux postures correspondent à ce qui existe déjà au bâton, à savoir la parade droite et la garde de la hampe. Ces deux façon de se défendre sont abordées avec les pièces issues de la garde du milieu :
Dans l’approche place-toi ainsi dans la garde du milieu : quel que soit le côté duquel l’adversaire t’estoque, alors marche vers l’autre côté et estoque en même temps que lui. En estoquant, tourne le long tranchant vers son bâton, afin d’écarter son estoc loin de toi avec plus de sécurité.
La parade droite, autre nom de la garde du milieu n’est associée à aucune illustration dans le texte. Mais se description correspond à la position que prend le personnage qui fait fasse à celui dans la garde basse, sur le frontispice du livre.

La parade avec la pique suspendue est également illustrée. Elle sert aussi à dégager les estocs sur les côtés :
Mais s’il veut estoquer vers le bas de ton corps, alors lève la partie arrière de ta pique et laisse la partie avant aller vers le bas. Dégage ainsi l’estoc qui vient vers toi sur le côté avec le bâton pendant, puis estoque rapidement vers l’ouverture en retournant ton bâton vers le haut.

Cette façon de parer sert également à se défendre des estocs envoyés vers le haut du corps.