Joachim Meyer est un coutelier strasbourgeois ayant vécu au milieu du XVIe siècle, auteur de plusieurs traités d’escrime, dont l’imposant Discours détaillé sur l’art de l’escrime, imprimé en 1570. L’escrime de Joachim s’inscrit dans une tradition martiale plus large : l’escrime de Johannes Liechtenauer. Celle-ci correspond à un ensemble de textes techniques essentiellement conscacrés à l’épée longue, écrits en Allemagne sur les XVe et XVIe, et dont Liechtenauer serait le mythique fondateur. On considère que Joachim Meyer est le dernier dépositaire de ces 200 ans d’escrime. Durant cette longue période, la pratique l’escrime a évolué et logiquement il y a des différences entre Joachim Meyer et ses prédécesseurs. Ce sont ces spécificités propres à Joachim Meyer qui seront abordées en détail dans cet article et les suivants.
La tradition liechtenauerienne
L’épée longue est l’arme sur laquelle est centrée l’escrime de Liechtenauer. Celle-ci est appelée Blossfechten, ou escrime sans armure : on combat sans protection particulière, par opposition aux deux autres grandes disciplines de l’escrime liechtenauerienne, le combat en armure et le combat à cheval. La théorie de cette pratique est basée sur un poème cryptique, dont Liechtenauer serait l’auteur, au début du XVe siècle. Ce poème a ensuite été repris et expliqué par d’autres, qui l’ont rendu compréhensible. Ces glossateurs, parmi lesquels figurent Sigmund Ringeck, Peter von Danzig, Juden Lew et d’autres, ont constitué un ensemble de textes assez similaires qui correspondent pour nous, pratiquants contemporains, à l’escrime de Liechtenaueur “classique”. D’autres auteurs, comme Paulus Kal ou Hans Talhoffer, qui appartiennent à la même tradition, on quant à eux, fait réalisé des ouvrages dont l’image est principal vecteur de la transmission d’information.

Le manuscrit de “Goliath”, comportant la glose de Peter von Danzig
Au milieu du XVIe siècle, Paulus Hector Mair fait produire un ouvrage massif, le De Arte Athletica. On y trouve notamment une des gloses précitées, mais aussi une très longue section consacrée à l’épée longue, contenant beaucoup d’éléments techniques nouveaux, comparativement aux textes plus anciens.

Illustration du Arte Athlecita, tirée de la partie sur l’épée longue
Trois ouvrages sont attribués à Joachim Meyer : deux manuscrits et un imprimé. L’un de ces manuscrits, surnommé manuscrit “de Rostock” (MS Var.82), qui est essentiellement une compilation de textes d’escrime. Il contient plusieurs textes appartenant à la tradition de Liechtenauer, ce permet de dire que Joachim Meyer a eu connaissance des anciennes pratiques. L’autre manuscrit, dit “de Lund” (MS A.4º.2), écrit vers la fin des années 1560 présente l’épée longue, le dussack et l’épée seule. Le contenu de ce manuscrit à visiblement servit de base au livre imprimé de 1570. Ces deux ouvrages sont les supports de l’escrime propre à Joachim Meyer, et le Discours détaillé sur l’art de l’escrime est la version la plus complète.
La traduction de l’épée longue du livre de 1570 est disponible dans la section Travaux, ou directement depuis ce lien.

L’épée longue de Joachim Meyer, dans le MS A.4º.2
L’épée longue, une arme pédagogique
Dans ses ouvrages, Joachim Meyer aborde de nombreuses armes, comme le dussack, l’épée seule, la dague ou les armes d’hast. Parmi celles-ci, l’épée longue a une place toute particulière : c’est avec elle que l’auteur commence son livre et introduit le lecteur aux bases de l’escrime. Sa compréhension est donc essentielle pour comprendre le “système” de Joachim Meyer, mais aussi les autres armes.
Dans le livre de 1570, l’épée longue est divisée en trois parties : la première sert d’introduction théorique, présentant le vocabulaire et les bases du système. La seconde partie est composées des “pièces issues des gardes”, un ensemble d’exemples qui décrivent des enchaînements plus complexes, basés sur les concepts de la première partie. Enfin la troisième partie (qui reprend quasiment à l’identique le texte de l’épée longue du manuscrit de Lund), approfondit certaines techniques et prend la forme “poème cryptique” + commentaire, peut-être dans une volonté d’imiter les textes anciens.
L’arme utilisée est l’épée longue. C’est une arme tenue à deux main, d’une longueur d’environ 1m30, qui pèse aux alentours 1,4kg. A l’époque de Joachim Meyer, l’épée longue qui se pratique dans les salles d’arme est une arme d’entrainement, appelée Fechtschwert. Cette épée n’a pas de tranchant aiguisé, ni de pointe, et est plutôt flexible. Le bout de la lame est spatulé, et la base possède une excroissance appelée “bouclier”, qui ramène le poids de l’arme vers l’arrière et permet de protéger un peu les mains.

L’épée se divise en plusieurs parties :
- Le pommeau
- La fusée ou poignée
- Les quillons ou croix
- La lame
La lame est également composée de plusieurs parties:
- La pointe
- Le faible
- Le fort
- Le bouclier
On notera aussi le vrai ou long tranchant et le faux ou court tranchant. Le vrai tranchant est du côté des doigts et le faux tranchant du côté du bras.

Ce découpage de l’arme permet à Joachim Meyer d’attribuer des actions spécifiques à chaque partie de l’épée :
La première partie est appelée fusée ou poignée. Elle inclue le pommeau et les quillons, et est utile pour se ruer sur l’adversaire, lutter, saisir, projeter et d’autres ouvrages.
La seconde partie est le fort, comme je l’ai dit plus haut. Il est utile pour entailler, faire les rotation, presser, et les autres choses qui sont réalisées avec force.
La troisième partie est le milieu. Il est pris à part égale entre le fort et le faible au niveau de la partie centrale. Il est dédié à divers ouvrages, qui peuvent être utilisés en fonction des opportunités.
La quatrième partie est le faible, qui approprié pour changer [par-dessous l’épée], faire des touches rapides, lancer [l’épée] à la manière d’une fronde, les choses similaires qui sont réalisées dans la distance, comme tu en auras suffisamment d’exemples et de pièces par la suite.

L’épée longue de Joachim Meyer en bref :