La première garde dont Joachim Meyer décrit les pièces est la garde haute, aussi appelée garde du Veilleur. Elle est l’équivalent de la garde du Jour de l’épée longue, et suivant la même logique, c’est depuis celle-ci que sont envoyés les coups de dessus.
La garde du Veilleur se fait avec le pied droit devant, et le dussack au-dessus de la tête, comme le montre cette gravure :

Dans la description de la garde, Joachim Meyer lie nom et fonction de celle-ci. Elle s’appelle le Veilleur, car depuis celle-ci on peut surveiller l’adversaire en étant directement prêt à donner un coup de dessus au moment où celui-ci attaque. On notera une petite contradiction entre le fait de ne pas devoir rester longtemps dans une garde, et la description du Veilleur où l’on semble plutôt dans une position attentiste.
Joachim Meyer classe les actions réalisées depuis le Veilleur en deux catégories : celles destinées à atteindre l’adversaire en passant par dessus son bras, ou überlangen, et celles servant à neutraliser son arme, ou dempfen. Ce n’est pas tout à fait ce qui est représenté par les pièces issues du Veilleur. Si la première de celles-ci parle bien des überlangen, le reste parlent essentiellement de feintes a réaliser avec le coup de dessus. La dernière pièce propose une manière de rabattre l’arme adverse selon la ligne verticale (auff und nider treiben) similaire au second principe des coups principaux. Pour ce qui est de de la neutralisation des frappes, cette technique est exposée dans la partie sur l’épée seule, dans le chapitre sur les parades et celui sur la parade droit devant.
Überlangen, ou atteindre l’adversaire avec le bras tendu
La garde du Veilleur commence avec un mouvement plutôt spécifique au dussack, le überlangen. Ce terme difficilement traduisible, indique qu’on cherche à toucher avec le maximum de portée. Les deux premières pièces de la garde du Veilleur ont le überlangen pour thématique, et passent toutes les deux par la garde médiane à gauche. Cela permet de d’opérer un petit redécoupage de ces pièces dans leur étude ici : dans un premier temps le überlangen face à une attaque venant de la droite ou de la gauche, puis les différentes situations une fois arrivé dans la garde médiane à gauche.
Comment et de quelle manière tu dois l’atteindre par-dessus [son bras] avec un coup simultané
Dans l’Approche, place-toi dans la garde haute. Si l’adversaire frappe ton corps par l’extérieur, que ce soit au bras, en haut ou en bas, alors observe le moment où il étend son bras pour frapper. Marche vers sa droite loin de son coup, et frappe fortement devant toi et vers sa tête, en passant à l’extérieur par-dessus son bras, de façon à ce qu’après coup, ton dussack arrive sur ta gauche dans la garde médiane.
La particularité de ces deux pièces est de ne pas proposer de parade. Au lieu de cela on avance sur le côté en faisant directement une frappe vers la tête de l’adversaire. Seul le déplacement semble permettre d’éviter l’attaque, ce qui n’est pas une chose aisée à faire. Cependant l’utilisation du terme überlangen permet de dire que l’on frappe avec le corps en extension et le bras tendu, qu’on cherche à toucher avec l’extrémité de son arme, pour chercher à atteindre l’adversaire du plus loin possible. Le gain de portée ainsi obtenu permet de se décaler plus loin, ce qui donne une plus grosse marge d’esquive.
Dans la pièce faite vers le côté gauche, le déplacement effectué l’esquive n’est pas décrit. On peut tout de même émettre l’hypothèse qu’il s’agit d’un double pas dans le Triangle qui est réalisé. En effet ce type de déplacement est le plus utilisé dans les manœuvres défensives avec les armes à une main, et c’est également le type de déplacement utilisé dans la version faites “vers le côté droit” cette pièce, comme cela sera vu plus bas. Dans le contexte de cette pièce, il faudrait donc faire un pas vers la gauche avec la jambe gauche, puis un second vers l’adversaire avec le pied droit. La frappe se ferait alors au moment du second pas.
On note aussi que l’on ne frappe pas depuis la gauche mais depuis la droite, passant ainsi du Veilleur à droite à la garde médiane à gauche, ce qui prépare à enchaîner avec le second coup.
Mais s’il te frappe devant au visage depuis ta gauche, alors marche avec ton pied gauche derrière ton pied droit, autour de son côté gauche et hors de son coup, et continue d’avancer un peu plus vers lui avec ton pied droit. En même temps que tu marches, donne deux longs coups rectilignes avec le bras tendu passant par son visage et sa main, en diagonale et d’en haut, rapidement et l’un après l’autre. A la fin du second coup, tu arrives sur ta gauche dans la garde médiane […]
Dans la seconde pièce l’adversaire attaque cette fois depuis sa droite. Là encore il n’est pas question de parer mais d’esquiver l’attaque avec des pas. Contrairement à la pièce d’avant, plus de détail sont donnés sur les déplacements. L’esquive se fait en faisant une double marche dans le Triangle, c’est-à-dire en sortant le pied arrière vers l’extérieur, puis en avançant avec le pied avant.
Un autre différence entre les deux pièces, c’est que deux frappes sont réalisées dans la pièce se faisant vers le côté droit. Mais il n’y a pas d’informations permettant de savoir si chacune d’elle est faite avec chaque pas, ou si les deux sont réalisées avec le dernier pas.
Enfin il ne faut pas oublier de faire la première frappe comme la première, c’est-à-dire de la faire commencer depuis la garde du Veilleur, pour respecter la manière de frapper décrite par Joachim Meyer dans sa partie sur les frappes. Cela oblige donc à faire un mouvement plutôt ample pour réarmer.
Que l’on esquive sur la droite ou sur la gauche, on finit ainsi dans la garde médiane à gauche. A partir de là plusieurs situations peuvent apparaître, en fonction de ce que décide l’adversaire.
Ton dussack arrive sur ta gauche dans la garde médiane. Depuis celle-ci frappe horizontalement vers son visage en passant par son bras droit, et il importe peu si cela est fait avec le plat ou avec le long tranchant. A la fin du coup, tu arrives vers ton épaule droite avec ton dussack. A partir de là, envoie en un clin d’œil deux coups furieux passant par son visage, de chaque côté et l’un contre l’autre, de façon à faire une croix.
Dans le premier exemple, on refrappe directement depuis la garde médiane à gauche. Cette frappe est assez similaire à ce que propose l’exemple suivant, et bien qu’il s’agisse d’une attaque, elle peut aussi être utilisé comme un moyen de se protéger d’un adversaire qui nous poursuivrait.
A la fin du second coup, tu arrives sur ta gauche dans la garde médiane, et tu te découvres ainsi sur ton côté droit avec ce coup. C’est pourquoi tu dois bien noter le moment où il va frapper à l’ouverture que tu lui as donnée, de façon à ce que pendant que son coup vole vers toi, tu le lui dégages loin de toi depuis ta gauche vers ta droite avec un puissant coup vers le haut. De cette manière ton dussack revient se projeter au-dessus de ta tête dans le Taureau à droite en décrivant un cercle. En même temps que cette frappe, marche également avec ton pied gauche vers sa droite, et menace de l’estoquer de l’extérieur et par-dessus son bras droit avec la pointe avant. Mais ramène rapidement l’estoc vers toi, et frappe en passant par son visage avec un pas en arrière.
Dans la seconde situation l’adversaire en profite pour prendre l’initiative et attaquer pendant que l’on arrive dans la garde médiane à gauche. On se défend alors avec une frappe diagonale de bas en haut et de la droite vers la gauche, ce qui est une parade assez classique, similaire au dégagement avec le faux tranchant de l’épée seule. La suite (la projection de pointe et la menace d’estoc) est d’ailleurs typique de ce qui sera fait depuis les gardes basses à gauche au dussack et à l’épée.
Mais si ton adversaire ne frappe pas vers l’ouverture que tu lui as offerte, alors frappe vers le haut avec le long tranchant depuis ta gauche en passant par sa droite. Complète la pièce comme tu l’as appris jusqu’à présent, et éloigne-toi loin de lui en frappant aussitôt à travers la croix.
Enfin, si l’adversaire n’attaque pas, on peut se permettre de reprendre l’initiative avec une frappe qui repasse plus ou moins par la même ligne que celle du überlangen.
Au final, les choses à faire en arrivant dans la garde médiane à gauche après le überlangen sont très semblables et consistent à se protéger après s’être découvert dans la première riposte.
Feintes
Bien qu’il ne les mentionne pas dans son introduction sur les pièces de la garde du Veilleur, les feintes font évidemment partie des choses réalisables depuis celui-ci. Les trois pièces suivantes présentent différentes manières de réaliser feintes et provocations.
La première pièce de la feinte, sur la manière dont tu dois combattre depuis le Veilleur, si ton adversaire ne veut pas frapper en premier
Retiens que si ton adversaire ne veut pas frapper, mais qu’il se tient plutôt devant toi dans une parade, alors marche autour de sa droite avec ton pied droit, et frappe avec un premier coup d’en haut et à l’extérieur vers son bras droit, de façon à ce qu’il soit obligé de se défendre. Aussitôt que tu es avisé de cela, et qu’il envoie son dussack à l’encontre de ton coup pour parer, alors ne laisse pas ton coup toucher ni entrer en contact [avec le sien]. Pendant qu’il monte [avec son dussack], laisse [ton coup] manquer et courir vers l’avant, marche immédiatement autour de sa gauche, et frappe encore une fois devant en passant par son visage.
Une pièce et un exemple sur la manière dont tu dois provoquer ton adversaire, afin qu’il aille vers le haut, pour que tu puisses l’atteindre au bras droit
Une autre pièce : donne un premier coup d’en haut et droit vers son crâne. Pendant que ton coup de dessus vole vers lui, retourne en l’air le court tranchant vers lui et l’extérieur, comme si tu voulais toucher avec celui-ci. Mais observe le moment où il monte pour attraper ton coup, et ramène-le aussitôt autour de ta tête sans toucher, et frappe fortement son bras droit avec le plat, à l’horizontale, et par l’extérieur depuis ta gauche. Cela doit se passer vite, pendant qu’il va vers le bas en te manquant avec son coup. Poursuis-le aussitôt avec un coup de la croix.
C’est deux premières feintes sont le symétrique l’une de l’autre, la première se faisant sur l’extérieur de l’adversaire, et la seconde sur son intérieur. On commence par une frappe de dessus sur un côté, puis au moment où l’adversaire se défend, on “laisse courir” la lame, et l’on attaque l’ouverture qui est de l’autre côté. Dans les deux cas on tourne le court tranchant du dussack vers l’extérieur dans la feinte, pour préparer l’attaque suivante. C’est quelque chose d’assez récurrent dans maniement des armes à une main chez Meyer.
Il y a quand même une différence notable entre les deux pièces : dans l’une des déplacements sont décrits, un pour chaque pas, dans la seconde aucun. Il est alors bon de se rappeler ce que Meyer enseigne à propos des pas : chaque attaque doit être accompagnée d’un pas, mais les feintes et les provocations peuvent se faire en faisant semblant d’avancer seulement.
Une autre pièce dans laquelle tu apprendras comment tu dois provoquer ton adversaire à faire un coup, afin de l’attraper, et comment tu devras le frapper en passant par son visage ou son bras, lorsqu’il voudra de nouveau monter
Envoie un coup vers lui en avançant, et au moment où cela doit toucher, tourne le court tranchant vers sa gauche, afin que tu te prépares à donner un coup de dessous vers sa droite. Cependant tu ne dois pas compléter ce coup de dessous, et aussitôt qu’il monte pour armer et qu’il frappe vers toi, frappe avec le coup de dessous avec lequel tu t’es préparé, et attrape le coup qui vole vers toi depuis ta gauche alors qu’il est encore en l’air. Aussitôt qu’il partira et remontera loin de la parade, frappe avec un puissant coup médian depuis ta droite et passant par son visage, et poursuis immédiatement avec un long coup furieux depuis ton côté gauche.
Cette pièce illustre les trois types de frappes, celles qui provoquent, celles qui déplacent, et celles qui touchent. Dans l’idée, la première attaque est donnée de façon à ce que l’adversaire veuille prendre l’initiative, et attaque d’au-dessus. Tourner le faux tranchant vers l’extérieur permet d’amorcer le mouvement de la parade qui va suivre. Il est alors attendu que l’adversaire commette l’erreur de quitter le liage, ce qui permettra de le frapper avec un coup horizontal.
Rabattre l’arme adverse avec des frappes
L’introduction du chapitre sur le Veilleur parle des coups neutralisants, qui sont principalement effectué depuis cette garde. Bien que les neutralisations ne soient réellement abordées qu’à l’épée seule, les coups pour rabattre l’arme adversaire ont un but assez similaire, surtout lorsqu’il son réalisés verticalement.
Comment tu dois rabattre l’adversaire avec force vers le haut et vers le bas, afin qu’il soit obligé de te donner de l’espace pour le frapper aux bras et au visage avec deux coups médians
Tourne bien ton côté droit vers l’adversaire, et envoie deux puissantes et hautes frappes verticales passant par son visage, à la manière d’un rabattement, et en avançant deux fois ton pied droit. Aussitôt que tu as conduit son dussack en hauteur, donne rapidement deux coups médians de chaque côté et l’un contre l’autre. Envoie le premier depuis ta droite sous son dussack en passant par l’intérieur de son bras, et dirige le second vers le bas depuis ta gauche vers sa droite, au-dessus de son dussack en passant par son visage. Redonne un troisième coup vers son visage, bien d’en haut et depuis ta droite.
Il s’agit ici de faire des frappes similaires à celles du second principe du chapitre sur les coups principaux. La première paire de frappes ainsi est faite pour déplacer l’arme adverse, pour que celle-ci aille finalement vers haut, et que l’adversaire se découvre. On note que ces deux frappes sont faites en avançant, ce qui indique peut-être que l’on est à la portée limite de l’arme, comme cela a pu être vu dans cet article sur l’Approche à l’épée longue.
Bien que la plupart des coups donnés au dussack viennent d’en haut, la partie sur la garde du Veilleur est loin d’être la plus fournie. Il existe beaucoup plus de pièces pour les gardes de la Colère et du Taureaux, ce qui pourrait indiquer que la majeure partie de frappes sont faites le long des lignes diagonales.
Le dussack de Joachim Meyer :
- Généralités sur le dussack
- Divisions de l’adversaire et de l’arme
- Déplacement et distance
- Gardes, coups, et estocs
- Travail avec les coups principaux
- Coups secondaires
- Défenses et parades
- Description du combat chez Joachim Meyer
- Travail au fer
- Changements de cible et feintes
- Le Veilleur
- Le Taureau
- La Colère
- La parade droit devant
- L’Arche
- Le Sanglier
- La garde médiane
- Le Changement
- Le Bastion
- Les entrées en lutte