Manuscrits vs Imprimé, 10 ans d’épeé seule par Joachim Meyer

Récemment a été mis à jour un nouveau manuscrit de Joachim Meyer. Celui-ci se trouve être le premier travail qu’on puis lui attribuer. Daté de 1561, il prédate de neuf ans son magistral livre imprimé de 1570, tout en partageant un contenu similaire. Celui-ci vient rejoindre les manuscrit de Lundt et de Rostock, aussi produit par le maître strasbourgeois. Dans cet article, nous aborderons les différences et les similitudes entre tous ces ouvrages pour ce qui concerne l’épée seule.

Il convient premièrement de décrire les textes que nous allons aborder :

  • Le manuscrit de Munich. Daté de 1561, c’est le plus vieux livre signé par Meyer. Dans celui-ci il aborde l’épée longue, le dussack, l’épée seule, la dague, les armes d’hast et le combat en armure. Hormis cette dernière partie, on retrouvera les mêmes thématique dans le livre de 1570.
  • Le manuscrit de Lundt. Il est daté de 1568, et a un contenu plus petit. Seuls l’épée longue, le dussack et l’épée seule y sont traités. Pour chaque armes, de grandes portions du manuscrit de Munich se retrouvent dans le Lundt. De plus la seconde partie du texte d’épée longue constituera la troisième partie de cette arme dans l’imprimé de 1570.
  • Le manuscrit de Rostock. La datation du support est plus ambiguë, mais les parties concernant l’épée seule sont datée de 1570 par Meyer. Ici on trouve trois sections sur l’épée seule. La première consiste en deux diagrammes de frappes, commentés par des principes d’escrime. La seconde est une glose du poème de Liechtenauer, adaptée aux armes à une main, notamment l’épée. La troisième est une courte synthèse sur l’escrime à l’épée seule.
  • L’imprimé de 1570. Celui possède une très grosse section dédiée aux armes à une main, notamment l’épée seule, organisée d’une certaine façon, et agrémentée de nombreuses gravure.

Comme signifié plus haut, les manuscrits de Lundt et Munich on beaucoup de texte en commun, notamment sur l’épée seule. Il est alors possible de les considérer comme un même sous ensemble, voir même d’en proposé une version fusionnée, ce qui facilitera la comparaison avec le livre de 1570. Le lien suivant mène vers la version combinée de l’épée seule selon les manuscrits de Munich et Lundt, qui se trouve également dans la section travaux.

D’une façon générale, la manière de pratiquer l’épée seule ne change pas entre les différents textes de Joachim Meyer, et on retrouve les mêmes grand principes. Les gardes sont les mêmes (garde Bœuf, garde de la Charrue, garde de côté, Changement, Porte de Fer, etc..), ainsi que le nom des frappes, et celui des concepts techniques.

Structure

L’organisation du propos est aussi similaire. Dans le livre de 1570, le propos est généralement organisé de la sorte :

  • Un première partie dans lequel on retrouve des éléments théoriques, comme les division de l’arme, de l’adversaire, les noms et descriptions des gardes, des frappes, et des différentes parades.
  • Une seconde partie, avec une multitudes d’exemples, ou pièces, qui sont regroupées par garde de départ.

Cette façon de présenter l’escrime se retrouve, plus ou moins rigoureusement, dans les manuscrits précédents. Cependant on note une volonté de faire différemment dans la partie de l’épée seule du manuscrit de Lundt. En plus de regrouper les pièces par garde, l’auteur a également voulu les regroupé par parade, puis par riposte. Cela permet de créer une arborescence technique du plus grand intérêt. Malheureusement cela semble avoir été abandonné assez vite dans le texte, et cette disposition ne se retrouve que dans la partie sur la garde de côté. On notera d’ailleurs qu’entre les manuscrits de Munich et de Lundt, les divergences portent essentiellement sur cette partie.

Illustrations

Les manuscrits de Munich, Lundt et le livre de 1570 sont tous les trois illustrés. L’imprimé avec ses onze planches et illustrations supplémentaires, est celui avec le plus de contenu. Cependant le manuscrit de Munich est plus prolixe en ce qui concerne la mise en dessin des gardes. Ainsi, le Boeuf à gauche, et les postures de la Charrue de chaque côté y sont représenté, là où elles ne sont que décrites dans le 1570. Bien évidement dessins et textes s’accordent malgré les dix ans qui séparent les deux ouvrages.

Charrue à droite
Charrue à gauche

Il semble aussi, que les illustrations du Lundt aient plus à voir avec celles du 1570, que de celui du Munich, notamment pour les dessins des gardes. Cela est assez visible dans les détails des illustrations.

Le Boeuf à droite au fil des ouvrages (Munich, Lundt, 1570)

En revanche, concernant les illustrations de pièces, les manuscrits et le livre n’ont rien en commun. Mais grâce à la large portion de texte identique entre les manuscrits de Munich et de Lundt, des images du premier peuvent être associées à des images du second.

Enfin un mot sur les diagrammes. Le Munich et le 1570 présentent tous les deux des diagrammes de déplacement. La nouveauté c’est que celui-ci est commenté dans le Munich lors qu’il ne l’est pas dans l’imprimé. Celui concerne les pas à faire dans les parades, et au final on retrouve à peu près le même déplacement dans les deux ouvrages.

Garde de côté

Au niveau des différences on note celle-ci pour les gardes basses. Selon le 1570, les gardes basses sont les positions de fin des frappes de dessus, et peuvent prendre le nom de gardes du Changement, ou de garde de côté. Dans le manuscrit de 1561, la garde de côté est toujours une posture basse, sauf que la pointe est dirigée vers l’arrière, comme pour amorcer un coup de dessous. Cela va dans le sens de la garde du même nom à l’épée longue et au bâton.

Le personnage de gauche se trouve dans la garde de côté décrite par le Munich

Cibles

Les cibles sont un des points les plus divergents, entre le 1570 et ce qui vient avant. Dans l’imprimé, frappes et estocs vont principalement viser la tête et le torse, à quoi s’ajoutent les frappes aux pieds. Dans les manuscrits, si ces cibles sont toujours majoritaires, les estocs vers la hanches, les aisselles, et les frappes au mains sont bien présent, et on peut se poser la question de leur quasi disparition dans le livre de 1570. On notera également que les estoc à la hanche et sous l’aisselle sont surtout des estocs d’opportunités, réalisé suite à des parades de l’adversaire.

Parade du faux tranchant

Il est difficile de faire l’inventaire des choses communes entre les manuscrits le livre imprimé. Dans le livre de 1570, l’auteur s’étale beaucoup plus dans la description des pièces que dans les manuscrits. Et de fait une même pièce pourrait être décrite de deux manières différentes. Nonobstant cela, il y a une technique qu’on voit de façon marquée dans les manuscrits, et peu présente dans l’imprimé : la parade vers le bas avec le court tranchant. Il s’agit de parer ou d’arracher la lame adversaire avec le court tranchant, à la manière d’un krump. Cela peut se faire tant pour parer, que depuis le liage pour dégager la lame adversaire. Cette manœuvre fait l’objet d’un article dédié.

La parade/arraché avec les court tranchant réalisé par le personnage de droite

Manuscrit de Rostock

Le manuscrit de Rostock fait un peu figure de vilain petit canard au milieu des autres ouvrages. Chacune de ses parties sur l’épée seule est indépendante et plutôt unique. La partie sur les diagrammes fait reposer ses explication sur ces seules illustrations (même le nom des lignes de frappes ne choquera pas celui qui a étudié le 1570). La seconde partie, sous forme de pièces est celle qui se rattache le plus au reste du corps tant dans la forme que dans le fond. D’autant Meyer s’est livré plusieurs fois à l’exercice de la glose de poème martial. Enfin la troisième partie se veut uniquement théorique, quasiment sans pièces ou exemple, ce qui est assez éloigné de la production habituelle de Meyer. Cependant les concepts exposés dans cette courte partie ne jurent pas avec les autres textes.

Conclusion

Joachim Meyer avait déjà un style d’escrime bien affirmé, longtemps avant la rédaction de son magnus opus. Malgré des variations mineures, on trouve une vraie continuité de son escrime à l’épée seule, qu’il n’est que le deuxième à mettre par écrit après Paulus Hector Mair. Dans toutes ses réalisations, il reprend le même vocabulaire, les mêmes concepts, et des modèles de dessins sont repris à chaque ouvrage. Mieux, les spécificités de chaque ouvrage ne contredisent pas l’ensemble, et viennent au contraire compléter le tout.

Au final l’épée seule de Joachim Meyer reste unique, en cela qu’elle est l’une des rares escrimes purement allemande avec cette arme, et qu’elle est soutenue par un grand nombres de textes, restés cohérents au fil des ans.

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