Maintenant que les premières bases de la gestuelle de Joachim Meyer ont été vues, c’est-à-dire comment sont menées les frappes et les parades depuis les gardes, il faut maintenant s’attarder plus en détail sur la manière dont est structuré le combat.
On y retrouve des notions déjà présentes dans les premières sources d’escrime allemande, comme l’Avant, l’Après et le Même-temps. A cela, Joachim Meyer ajoute un découpage du combat en trois phases : le début, le milieu et la fin.
L’Avant et l’Après
Le découpage du temps est une notion mal décrite chez Joachim Meyer, et plus généralement dans l’escrime allemande. Il n’y a pas d’équivalent à la notion de tempo que l’on retrouve chez les italiens à la même époque.
Le découpage de l’action est encadré par d’autres notions, celles d’Avant et d’Après, qui sont similaires à celles d’Agent et de Patient dans les sources italiennes.
Ce qu’on appelle l’Avant, c’est lorsque tu attaques ton adversaire le premier avec tes frappes dans l’assaut, et que tu enchaînes, de sorte qu’il ne puisse en venir à aucune de ses entreprises, ou pièces, mais qu’il soit réduit à parer pour se défendre de toi.
L’Après c’est quand ton adversaire se rue sur toi, comme cela a été décrit préalablement, de sorte que tu ne puisses faire ce que tu espérais.
On commence ici à voir comment s’organise le combat : dans l’Approche l’un des escrimeurs va prendre l’initiative, c’est-à-dire l’Avant, et son adversaire se retrouvera alors dans l’Après.
Le but de celui qui est dans l’Avant est de le conserver. Il met ainsi son adversaire en difficulté en l’obligeant à parer, ce qui augmente ses chances de le toucher. Il est donc préférable d’être le plus souvent dans l’Avant.
Lorsque l’on se retrouve contraint dans l’Après, le but est de revenir dans l’Avant pour regagner l’avantage dans le combat. C’est un des grands axes de travail de Meyer et cela constitue la majorité de ses pièces : reprendre l’initiative grâce à une parade riposte.
Il y a donc un échange permanent et une transformation entre l’Avant et l’Après, tantôt c’est ton adversaire qui l’a, puis c’est à nouveau à toi. Mais celui qui est dans l’Après, c’est-à-dire celui qui est tellement pressé qu’il doit toujours parer, doit bien être attentif au mot Même-Temps et ne pas l’oublier, car avec lui il doit revenir dans l’Avant s’il veut s’en sortir sans dommage. Celui qui n’y prête pas attention, même s’il combat violemment, n’apprendra jamais à bien se battre.
L’Indes, ou Même-Temps, est l’intervalle de temps durant lequel, lorsque l’on arrive au liage, il faut sentir la lame adverse, puis choisir la bonne action à effectuer avant que celui-ci n’agisse. C’est pendant le Même-Temps qu’il est possible de reprendre l’Avant depuis l’Après ou de continuer à le garder lorsque l’on s’y trouve déjà.
On peut aussi perdre ou regagner l’Avant par d’autres moyens, notamment en jouant avec la distance. Si celui qui est dans l’Avant rate son attaque, il n’est alors plus menaçant pour son adversaire, qui peut se ruer vers lui pour reprendre l’initiative, c’est l’une des application des poursuites, ou Nachreisen. De même, si les adversaires se retrouvent hors distance, par exemple suite à une retraite, alors personne ne peut plus menacer personne, et on se retrouve dans la situation d’avant l’Approche.
Découpage du combat
Chez Joachim Meyer le combat est découpé en trois phases :
Cette pratique peut-être correctement et proprement divisée en trois parties principales, qui sont le Début, le Milieu, et la Fin. Tu dois faire particulièrement attention à ces trois parties dans chaque pièce que tu entreprends, c’est-à-dire que tu dois savoir : avec quels coups tu attaqueras ton adversaire depuis les postures, comment tu dois continuer d’œuvrer en volant librement vers ses ouvertures dans le Milieu avec les Manœuvres pour garder l’Avant après t’être rué sur lui dans l’Approche, et enfin comment tu peux correctement et judicieusement faire ta Retraite loin de lui, sans être blessé, à défaut de lui faire des dommages.
J’appelle le Début “l’Approche”. C’est lorsque l’on va attaquer l’adversaire que l’on a devant soi.
J’appelle le Milieu “l’ouvrage secondaire” ou “Manœuvres”. C’est lorsque l’on reste contre l’adversaire dans le liage, ou plus loin dans l’ouvrage, et qu’on le presse avec toute son habilité.
J’appelle la Fin “la Retraite”. C’est comment l’on peut s’éloigner de son adversaire sans dommage en le frappant.
L’Approche chez Joachim Meyer a été abordé en détail dans un autre article.
Ces phases du combat sont liées à la distance que l’on met entre soi et l’adversaire. L’Approche et la Retraite correspondent respectivement à l’entrée et la sortie de l’escrimeur dans la distance de frappe.
Avant l’Approche, les interactions entre les adversaires sont quasiment nulles, vu qu’ils ne sont pas à distance pour se toucher, c’est-à-dire en attaquant avec un pas. Les notions d’Avant et d’Après ne peuvent donc pas encore être attribuées, parce qu’aucun n’est en mesure de menacer l’autre.
Le Milieu correspond donc à la phase où les adversaires sont constamment en interaction, et susceptibles de se toucher. C’est la partie qui va concentrer l’essentiel du combat.
J’ai essayé de résumer la structure combat telle que définie par Joachim Meyer avec ce schéma :

Avec l’Approche, on passe d’une zone hors distance, à une zone où l’adversaire et soi-même sont susceptibles de s’échanger des coups. L’un des escrimeurs va alors agir de manière à menacer l’autre, ce qui déterminera lequel sera dans l’Avant et lequel sera dans l’Après. Cela nous amène dans la phase du Milieu du combat, dans laquelle l’Avant et l’Après peuvent être intervertis entre les adversaires, au gré du combat. L’avantage peut être repris ou conservé à travers le Même-Temps, grâces au différentes manœuvres utilisées dans la phase du Milieu. L’échange prend fin lorsque l’un des deux adversaires décide de repartir hors de portée de son adversaire: c’est la Retraite. Il peut faire cela avec des frappes ou des parades pour se couvrir.
Le prochain article traitera des actions à mener durant la phase du Milieu, c’est-à-dire les Manœuvres. Ce sera l’occasion de mettre en avant les marqueurs caractéristiques de l’escrime de Joachim Meyer
L’épée longue de Joachim Meyer en bref :