L’épée seule de Joachim Meyer, Partie 3 : Déplacements et Distance

Les armes à une main occupent le livre 2 du Discours détaillé sur l’art de l’escrime, Joachim Meyer. Le dussack et l’épée seule y sont enseignés l’un après l’autre et cela n’est pas un hasard. Ces deux armes sont très proches dans leur maniement, comme l’indique le titre de la partie sur le dussack :

Une description et un enseignement systémique du combat
au dussack


Dans lequel de nombreuses manières et de bonnes pièces sont enseignées, dans un ordre approprié, et présentées l’une après l’autre, afin que l’élève potentiel puisse être bien entraîné, pour le dussack et pour le combat à l’épée seule.

Ce même maniement les diffère de l’épée longue. C’est pourquoi les bases du combat à l’épée seule se trouvent aussi dans le dussack. On y trouve notamment beaucoup d’informations sur les déplacements et la distance.

Posture et déplacements

Les armes à une main chez Joachim Meyer se veulent dans la continuité du messer ou du dussack, tels qu’on les voit présentés chez ses prédécesseurs comme Johaness Leckuchner ou Paulus Hector Mair. Mais la pratique du dussack et de l’épée de Joachim Meyer possède un attribut unique : elle se fait toujours avec le pied droit devant.

A travers l’ensemble du second livre, le lecteur est exhorté à toujours garder sa jambe droite devant, quel que soit le côté d’où les coups sont envoyés. Non seulement il faut toujours avoir le même pied devant, mais le pied gauche n’est pas juste en arrière, il est derrière le pied droit. Cela force le corps à adopter une position très de profil, ce qui se retrouve aisément dans les différentes gravures. C’est l’un des marqueurs du « style de combat » de Joachim Meyer, surtout comparé aux auteurs bolonais qui sont plus de face et passent régulièrement une jambe devant l’autre.

La posture principale du corps est donc celle-ci :

  • La jambe droite est en avant, fléchie
  • La jambe gauche est en arrière, tendue
  • Le haut du corps est droit et présenté de profil
  • La main gauche est sur la hanche ou collé à la poitrine
La posture générale se rapproche fortement de la porte de fer, illustrée ici

Des conseils généraux sur les déplacements sont distillés dans la section sur l’épée longue :

C’est pourquoi chaque coup doit avoir son propre pas, qui doit se faire simultanément au coup, si tu veux accomplir quoique ce soit avec tes pièces que tu utilises. Car si tu marches trop tôt ou trop tard, alors s’en est fini de ta pièce et tu sabordes toi-même ton coup. Par conséquent apprends à faire les pas correctement, afin que ton adversaire ne puisse pas mener ses pièces comme il l’entend. Ainsi tu lui voles du terrain ou de la place.

Dans l’assaut tu dois agir comme si tu souhaitais faire un large et grand pas, mais en réalité maintiens tes pieds proches l’un de l’autre et inversement, lorsqu’il pense que tu vas l’approcher doucement, alors vas rapidement sur lui avec de grands pas et assaille-le. Tellement de choses dépendent des pas que tous ceux qui ont appris et pratiqué le combat doivent le savoir.

Joachim Meyer explique ensuite qu’il y a 3 type de déplacements : ceux vers l’avant et l’arrière, ceux sur les côté et les feintes de marches.

Les déplacements vers l’avant se font en effectuant des fentes, suivis d’un regroupement des pieds pour pouvoir refaire à nouveau une fente. Les déplacements vers l’arrière sont faits de la même manière, mais avec des fentes arrières. Cela est illustré dès les premiers exercices de la partie sur le dussack :

Dans le même temps que tu lèves ton dusack pour frapper, comme je viens de le dire, tu dois ramener ton pied gauche au niveau de ton pied droit, afin de pouvoir faire un pas avant avec le pied droit pour accompagner la frappe, comme je l’ai enseigné auparavant. Alors tu avances ton pied droit, et tu frappes depuis la garde du veilleur, comme avant, en suivant la ligne verticale.

Et tout comme tu as ramené ton pied arrière vers le droit pour frapper en avançant, pour marcher loin avec le pied avant, lorsque tu frappes en reculant, tu dois ramener le pied avant aussi loin que l’arrière quand tu armes ta frappe, et tout comme tu marchais en avant pour les frappes précédentes, tu dois maintenant reculer le pied gauche quand tu frappes.

Les pas sur le côté se font en envoyant d’abord la jambe arrière, puis en suivant avec la jambe avant, pour toujours être face à l’adversaire. Cette manière de se déplacer se trouve représentée par un diagramme présent dans la partie sur le dussack et la partie sur l’épée. Ce pas sur le côté est appelé la marche dans le triangle et est décrit dans la partie sur l’épée longue :

Ensuite, il y a les déplacements sur les côtés, qui sont contenus dans le triangle, de cette manière: Tenez-vous sur une ligne droite, avec votre pied droit vers votre adversaire. Marchez avec le pied gauche derrière votre droite, vers sa gauche. Ceci est le simple. L’autre, un déplacement double, se fait ainsi : marchez comme avant avec votre pied droit vers sa gauche. Suivez alors en passant votre pied gauche derrière votre droite, vers sa gauche, sur le côté, puis marchez encore avec le pied droit vers sa gauche.

Le double pas dans le triangle est le déplacement le plus utilisé dans les parades ripostes à l’épée seule. Cela sera abordé plus tard dans la partie sur les parades, ainsi qu’avec les pièces issues des gardes.

Enfin les il y a les marches feintées, décrite comme suit :

Le troisième déplacement est la marche brisée, ou dérobée, qui se fait ainsi: faites comme si vous alliez marcher en avant avec un pied, et avant qu’il se pose au sol, reculez-le largement en passant derrière l’autre pied. Ceci se fait particulièrement à la rapière, je le rappellerais.

Distance

Un fois encore, c’est la partie sur le dussack qui nous donne des indices sur la distance de travail optimale à observer pour combattre avec l’épée. En effet on sait qu’il faut être en mesure de frapper l’adversaire en faisant un pas, comme le dit le poème d’introduction : “Tu n’as pas besoin d’être près de l’homme, Car tu peux le rejoindre d’un pas.“. Cependant un élément intéressant est ajouté dans la partie sur l’épée seule, dans la pièce présentant le coup de haut dans l’Après :

Prends ainsi garde : lorsqu’il te frappe, alors ramène ton pied avant, le droit, en arrière, jusqu’au pied gauche. Et en même temps que tu ramènes ton pied avant en arrière, monte devant ton visage avec l’arme étendue vers le haut. Laisse ainsi son coup te manquer en tombant vers le sol devant toi. Et même s’il devait te toucher, il ne pourrait pas aller plus loin que la garde.

Cette précision indique que de tout temps, il suffit de rassembler ses pieds au niveau de la jambe arrière pour se retrouver hors distance. Cela confirme aussi le principe de bien se tendre dans ses attaques, pour avoir une portée maximum et revenir à une distance prudente lorsque l’on réarme un coup. Il faut également avoir les pieds relativement écartés, pour se mettre correctement en sécurité lorsque l’on passe de la balance moyenne ou basse à la balance haute.

La bonne distance de travail est donc celle où l’on peut toucher l’adversaire en faisant un pas et en tendant son arme, tout en pouvant se mettre hors du coup adversaire en se grandissant et regroupant ses pieds vers l’arrière. Etre plus loin signifie être hors distance : cela implique que les attaques de l’adversaire ne toucheront pas et qu’il ne sera pas nécessaire de les parer. Etre plus près implique que chacun est à la portée de l’autre, que les coups seront forcément parés et non plus esquivés et que les lames risquent de se croiser en leur milieu, ce qui amène d’autres contraintes techniques. Tout ceci doit évidemment se faire avec la jambe droite devant en restant face à l’adversaire.


Les traductions des parties sur l’épée longue et le dussack ont été faites par Pierre Alexandre Chaize et se retrouvent dans sa traduction du dussack ou sur son site internet.


L’épée seule de Joachim Meyer :

2 thoughts on “L’épée seule de Joachim Meyer, Partie 3 : Déplacements et Distance

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